Comment éviter les collisions avec le sol ?

Le GPWS (ici dans le simulateur de vol de Pontoise dans lequel ont lieu les stages contre la peur de l'avion) permet de connaître le relief face à nous. Les pilotes recevront des alertes s'ils s'approchent trop des zones rouges.

Le système de suivi de terrain (ici dans le simulateur de vol de Pontoise dans lequel ont lieu les stages contre la peur de l’avion) permet de connaître le relief face à nous. Les pilotes recevront des alertes s’ils s’approchent trop des zones rouges.

« J’ai lu sur un forum que les collisions involontaire avec le sol étaient la principale cause d’accident aujourd’hui. Est-ce vrai ? » Belle question de Julie sur le groupe Facebook (à voir ici), avec une réponse en deux temps. Tout au long du XXème siècle, l’aviation s’est perfectionnée. Lors d’une longue première phase, les appareils étaient relativement peu fiables et subissaient assez souvent en panne provoquant des accidents. Mais à partir des années 60, les défaillances techniques se sont faites plus rares, et un voyage en avion est devenu moins risqué qu’un trajet en voiture à partir des années 80. A cette époque, le maillon faible de la sécurité aérienne était le pilote. Soyons clair, TOUTES les typologies d’accidents avaient baissé, mais celles liées aux erreurs de pilotage avaient diminué moins vite, proportionnellement les collisions d’un avion en parfait état de vol avec le terrain étaient dès lors devenues la première cause de crash. Pour faire simple, il arrivait que les pilotes ne se rendent pas compte du relief qui les entourait, provoquant une collision avec le sol ou le relief… Dans les années 60, on comptait 4 crash de ce type chaque année en ne considérant que les grands avions de ligne ! Pour faire disparaître cette typologie de crash appelée CFIT (pour « controled flight into terrain« ), les ingénieurs ont développé plusieurs générations d’instruments.

La première génération d’appareil anti-CFIT s’appelait le GPWS (Ground Proximity Warning System). Il faut bien comprendre que jusqu’alors, les avions volaient à une altitude définie à partir d’un calage altimétrique dépendant d’une pression atmosphérique, ils n’avaient pas de GPS pour indiquer la position ou la vitesse aux pilotes. Autant dire que l’altitude de l’avion et son évolution par rapport au terrain n’était pas très précise. On installa donc une radio-sonde, c’est-à-dire une sorte de radar pointant vers le sol afin de connaître la hauteur réelle de l’avion par rapport au relief. En comparant l’évolution de l’avion et le relief, il fut dès lors possible d’avertir les pilotes en cas d’anomalie et de rapprochement du sol. Cette première évolution permis de diviser le nombre de CFIT par deux, avec « seulement » 2 crashs par an pour cette cause à partir du milieu des années 70.

Visée sur le soleil depuis un sextant aéronautique sur avion Nord262... On voit en bas de l'image que le soleil se trouve à l'ouest.

Visée sur le soleil depuis un sextant aéronautique sur avion Nord262… On voit en bas de l’image que le soleil se trouve à l’ouest.

Mais il restait encore quelques difficultés. Lorsque le pilote se met volontairement en descente vers un aéroport, il considère comme normal de se trouver proche du sol et donc d’avoir une alerte de proximité du relief. On a alors vu plusieurs cas dans lequel un avion s’engage par erreur en descente dans une vallée à cause d’une imprécision de la navigation et un contrôle aérien incapable de gérer la situation. Cela peut sembler incroyable de nos jours, mais il faut savoir que les avions se trompaient régulièrement de plusieurs dizaines de kilomètres lors des vols trans-océaniques. Imaginez qu’en 2005, en tant qu’élève dans l’école du personnel volant de la Marine Nationale, j’ai encore appris à positionner mon avion en visant les étoiles (image ci-contre) ! Le cas de déviation le plus connu est celui d’un vol Korean Air qui, en 1983, avait dévié de plus de 300 km de sa route et s’était retrouvé par erreur dans l’espace aérien de l’URSS où il avait été abattu par les avions de chasse soviétiques…

Un accident ayant eu lieu en 1995 obligea à encore améliorer le GPWS. Un avion américain à destination de la Colombie entame sa descente sur Cali, aéroport sur lequel la guérilla a détruit le radar utilisé par les contrôleurs aériens… Suite à une série d’erreurs, les pilotes se mettent en descente dans une vallée dans laquelle ils pensent trouver l’aéroport alors qu’ils se trouvent en réalité dans une vallée parallèle très semblable. Sans radar, les contrôleurs aériens ne se rendent compte de rien et le GPWS alerte bien l’équipage que le sol se rapproche, mais les pilotes croient qu’il s’agit du rapprochement « normal » du sol avant l’aéroport… L’anti-CFIT de 1ère génération n’est clairement pas satisfaisant. L’évolution des technologies et l’apparition du GPS permet de créer une version améliorée du système.

Vision du relief sur l'écran du pilote : en jaune et rouge la montagne est plus haute que nous. En vert foncé ou clair, c'est plus bas. En bleu, c'est la mer

Le relief apparaît sur l’écran du pilote suivant ces couleurs : jaune / rouge si la montagne est plus haute que nous. En vert, c’est plus bas. En noir c’est la vallée, en bleu la mer.

Le système, appelé EGPWS (pour enhanced GPWS) est disponible à partir de la fin des années 90 et deviendra obligatoire en 2002, permettant la disparition des CFIT sur les avions de ligne équipés. Non seulement les radars de suivi du terrain sont largement améliorés (meilleur angle de détection, meilleure discrimination…), mais l’ordinateur « connaît » le relief et la position de tous les aéroports du monde ! L’avion peut dès lors indiquer à ses pilotes qu’ils s’engagent sur une fausse route bien avant qu’ils ne se rapprochent du sol et se mettent en danger.

Pardon ? Il y a encore des avions datant des années 90 dans votre compagnie aérienne préférée ? Rassurez-vous, les appareils sont mis à jour et il ne faut jamais regarder l’âge d’un avion, cela n’a aucun rapport avec l’âge de ses équipements de sécurité ! Voici d’ailleurs un article dédié à l’installation de systèmes de sécurité sur tous les appareils Air France (même les plus anciens) : en cliquant ici.

A gauche du relief plus bas que l'avion (en vert), au milieu ne vallée (en noir), à droite la mer (en bleu)

A gauche du relief plus bas que l’avion (en vert), au milieu ne vallée (en noir), à droite la mer (en bleu)

Aujourd’hui, le pilote a donc en temps réel accès à des informations très précises sur sa position, le relief autour de lui et les aéroports présents alentour. L’image ci contre a été prise à bord d’un Airbus A320 (merci à Stephane). On voit bien le relief, le niveau de la mer et la vallée face à nous. Rien n’apparaît en rouge, cela signifie que l’on est au dessus de tout le relief qui nous entoure. On connaît aussi la position des aéroports autour de nous, ce qui permet de savoir très rapidement où s’orienter en cas d’atterrissage d’urgence (généralement pour cause médicale).

EGPWS Boeing 737

On peut également avoir une vue « en coupe » du relief devant l’avion, et l’on voit les collines, les vallées et les aéroports…

 La vue du relief en 3D est également possible avec des vues en coupe, comme sur l’image ci-contre. On voit ainsi la hauteur des montagnes devant nous par rapport à la descente prévue de l’avion (merci à JC, pilote de Boeing 737 pour l’image).

Outre ces indications très intuitives, l’avion possède également des systèmes d’alerte des pilotes, via des indicateurs visuels ou sonores. L’ensemble de ces technologies a ainsi permis de faire disparaître les CFIT… L’ingénieur principal du programme GPWS a d’ailleurs reçu la Médaille Nationale de Technologie et d’Innovation des Etats-Unis en 2010, une belle consécration pour un système qui a très certainement sauvé des milliers de vies   🙂

 

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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4 réponses à Comment éviter les collisions avec le sol ?

  1. Arnaud dit :

    Côté contrôle aérien, nous ne sommes pas démunis. Tout d’abord, sur nos écran radar, des zones sont affichées qui indiquent l’Altitude Minimale de Sécurité Radar, en-dessous de laquelle nous n’avons pas le droit d’autoriser un appareil à descendre, sauf très rares exceptions. Ces AMSR sont calculées en fonction du relief, en prenant bien entendu des marges pour compenser les éventuelles erreurs d’altimétrie et/ou de navigation.
    De plus, un algorithme calcule en permanence la vitesse verticale de tous les appareils sur l’écran et détecte si l’un d’entre eux est susceptible de franchir ce plancher normalement infranchissable. Dans ce cas, une double alerte visuelle et sonore prévient le contrôleur aérien qui en fonction de la situation de l’appareil, va prendre les mesures adéquates (de « vérifiez votre altitude » à « montez immédiatement »). Cet algorithme système appelé MSAW (Minumum Safe Altitude Warning) est le pendant sol du GPWS, une deuxième protection en quelques sortes. En France, le centre d’approche de Lyon en a été le premier équipé, et pour cause, les appareils en approche sur Lyon ou les terrains satellites survolent pour la plupart les Alpes ou le Massif Central. Depuis, la majeur partie (j’oserais dire la totalité, mais sans certitude) des approches françaises sont équipées. Bons vols.

    Arnaud, contrôleur aérien.

  2. Xavier dit :

    En effet, grand merci pour cet éclaircissement ! Pour ceux qui ne l’avaient pas compris, Arnaud est contrôleur aérien 🙂
    Petite question, est-ce que la percée GCA existe également pour les contrôleurs civils, ou est-ce une procédure purement militaire ?

    • Arnaud dit :

      Bonjour Xavier,
      En France, et probablement en Europe, seuls les contrôleurs militaires sont qualifiés GCA, et par conséquent, seuls les terrains militaires (et le bateau) sont équipés de Radars d’Approche de Précision.

      Nous (les civils) effectuons le guidage radar jusqu’à l’approche finale:
      – interception d’ILS (de moins en moins nombreux, réservés aux « gros terrains », ils sont démontés sur les petits terrains car trop coûteux en maintenance et calibration),
      – procédure RNAV (basée sur les données GPS/GLONASS/Galiléo), de plus en plus car pas besoin d’équipement au sol, seul l’appareil a besoin d’être équipé et l’équipage qualifié, one maintenant des procédures RNAV très précises.
      – approche à vue, si les conditions et la réglementation le permettent (par ex interdite à Lyon en raison des riverains).

      Une fois en approche finale, l’appareil reste sous surveillance radar (pour peu que la Tour soit équipée d’une visu radar) et si possible visuelle mais l’équipage est seul maitre de sa trajectoire. Ceci dit, pour prendre le cas de Lyon, notre algorithme MSAW fonctionne aussi en finale, et détectera un appareil qui passerait trop sous le plan de descente théorique.

      Arnaud

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