Les missiles, quel risque pour les avions de lignes ?

Un Airbus A320 en vol basse altitude. Risque-t-il le tir d'un missile ?

Un Airbus A320 en vol basse altitude.
Risque-t-il le tir d’un missile ?

Le MH17 remet sur le devant de la scène le risque lié aux missiles anti-aériens. En 2007, alors que j’étais aviateur dans les avions de la Marine Nationale, j’ai eu l’occasion de mener des opérations au Tchad, un pays en guerre qui avait pour particularité de compter nombre de missiles sol-air. L’un de mes rôles à bord de l’avion était notamment de faire en sorte que l’appareil reste toujours hors de portée de ces missiles malgré le relief changeant du pays. Pour faire simple, disons qu’il existe deux catégories de missiles :
– des systèmes simples tirés depuis l’épaule, relativement courants et « disponibles » sur le marché noir et dans certaines zones de guerre. Ces systèmes visent la chaleur de l’avion émise par les moteurs jusqu’à 4 000 m dans la majorité des cas ;

– des systèmes complexes dans lesquels le missile est guidé par un radar, nécessitant le travail coordonné de plusieurs personnes entraînées sur trois modules distincts : acquisition de la cible avec le radar, lancement du missile et conduite du tir. Les missiles peuvent dans ce cas accéder à des altitudes supérieures à 10 000m, mais font alors des centaines de kilos et doivent être montés sur de gros véhicules ou des stations terrestres fixes. Etant donné la complexité de ce système, la difficulté liée à son entretien et leur incapacité à être déplacés sans se faire repérer, on sait avec certitude qu’aucun groupe rebelles ou terroristes n’en dispose.

Le fait que le MH17 ait été abattu alors qu’il était en vol de croisière à plus de 10 000m d’altitude prouve qu’il s’agit du deuxième type de missiles, possédé seulement par des Etats. Si des groupes non-étatiques en ont pris possession, alors on évitera simplement la zone et les avions resteront tout aussi surs puisque l’on sait AVEC CERTITUDE que ces missiles ne sont disponibles nulle part ailleurs. D’un point de vue diplomatique, si ce sont bien les séparatistes pro-russes qui ont tiré, Moscou ne pourra plus nier son implication dans le conflit, que ce soit pour la fourniture de matériel, mais aussi dans ce cas pour l’envoi de personnels formés.

Revenons-en aux missiles basse altitude qui semblent aujourd’hui cristalliser toutes mes inquiétudes, à la fois chez nos anciens stagiaires et dans les médias qui m’ont reposé sans cesse cette même question : « Mais puisque ces missiles tirés depuis l’épaule existent, alors on ne pourra plus se poser nulle part ? ». Oui, ces missiles sont disponibles dans de nombreuses zones grises, disons sur l’axe sahélien, une partie Moyen Orient et quelques zones tribales en Asie Centrale. Mais le risque est quasi nul pour un avion de ligne. Dans l’armée, on nous a expliqué une chose simple : ces missiles basse altitude visent la chaleur, et donc logiquement les moteurs… mais sur un avion de ligne, le point le plus chaud ne se trouve pas dans l’avion ! Les gaz émis par les réacteurs se rejoignent plusieurs dizaines de mètres derrière l’avion, c’est cet endroit qui est le plus chaud et que le missile visera. C’est ce qui explique que les rares tirs contre les avions civils à basse altitude se soient soldés par un échec du point de vue des terroristes. Un cas est aujourd’hui repris par toute la presse, celui de cet avion israélien qui a été visé en décollant du Kenya en novembre 2002, sans qu’aucun des deux missiles tirés ne le touchent. Il y a d’autres exemples, comme celui d’un Airbus A300 de transport de marchandises de la compagnie DHL attaqué en 2003 à Bagdad et qui a pour sa part été touché, provoquant une fente de 5 mètres dans son aile, la perte de 3 des circuits hydrauliques ainsi qu’une fuite de kérosène… Des dégats qui n’ont pas empêché l’avion de se poser sans autre dommages qu’une grosse frayeur. Plus le temps passe, plus les moteurs sont efficaces et moins ils sont chauds. Les vieux missiles ont donc de moins en moins de chance de toucher les avions.

Pour une sécurité complète, il existe une solution que les appareils civils immatriculés en Israël ont adopté : un système de leurres, comme sur les avions militaires. Pour faire simple, l’avion émet alors des sortes de feux d’artifices plus chauds que l’avion, et ceux-ci attirent alors le missile. De nouvelles solutions plus efficaces sont en développement et seront peut-être proposés à l’avenir par les constructeurs, tels ce système laser qui éblouit le capteur infrarouge des missiles. Mais en attendant, souvenez vous de ces deux choses :
– dans les zones que vous survolerez à altitude de croisière, seuls les Etats possèdent des systèmes de missiles haute altitude, et votre avion ne risque donc rien ;
– pour les décollages et atterrissages, on va peut-être adapter certaines approches autour des aéroports pour éviter des zones suspects, mais dans l’ensemble les missiles n’arrivent tout simplement pas à toucher les avions de ligne.

Encore une fois, ce drame ne remet absolument pas en cause la sécurité du vol que vous prendrez demain.

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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