Le crash du Concorde est-il possible avec un autre avion ?

Le Concorde était le seul avion commercial supersonique.Photo Paul Nelhans

Le Concorde était le seul avion commercial supersonique.
Photo Paul Nelhans

L’accident du Concorde a beaucoup marqué les esprits et reste très choquant pour deux raisons : d’abord il s’agit d’un accident touchant la France sur un avion considéré comme le fleuron de l’aéronautique, et ensuite en raison des images diffusées en boucle sur toutes les télés, puisque la scène a été filmée… L’événement a engendré en France une couverture médiatique très importante, et les explications sur ce crash sont encore aujourd’hui demandées dans chacun des stages contre la peur de l’avion. Nous allons donc essayer vous expliquer ce qui s’est passé, et surtout pourquoi une telle situation n’aurait pas été possible avec un autre avion de ligne.

Lors de sa mise en service en 1976, le Concorde était un avion ultra-futuriste. Son gros problème a été industriel et commercial : les Etats-Unis ont tout fait pour en réduire les ventes, mais surtout le choc pétrolier de 1974 a complètement modifié les calculs commerciaux. Cet événement a tellement augmenté le prix du pétrole que le Concorde ne pouvait tout simplement plus être rentable, annulant toutes les commandes et options enregistrées jusque là. Seuls Air France et British Airways, les compagnies nationales des deux pays impliqués dans le projet, ont donc acheté une vingtaine d’avions, mais seulement 14 ont finalement été exploités commercialement. Ce petit nombre d’avions vendu a empêché toute évolution de l’avion, qui est presque resté figé avec ses technologie d’origine pendant plus de 30 ans. Avec le recul, soulignons que le Concorde est loin d’être un échec industriel puisque nombre de ses technologies ont par la suite été transposées sur Airbus, mais ce n’est pas la question de cet article.

Pour expliquer le crash, il faut retenir deux particularités du Concorde :
– l’avion pouvait voler à deux fois la vitesse du son, ce qui permettait de faire le Paris New York en à peine 3h30 (contre 7h30 au minimum aujourd’hui). Les moteurs Rolls Royce sont surpuissants à haute vitesse, mais en contre-partie leur puissance est réduite à faible vitesse et l’avion ne peut que difficilement se maintenir lorsqu’il a perdu des moteurs.
– les ailes du Concorde ont une forme très particulière, dites « gothique flamboyant » (oui, on a la classe, on est Français !). Cette forme est particulièrement adaptée aux grandes vitesses, mais réduit fortement la manœuvrabilité de l’avion.

Le 25 juillet 2000, le vol 4590 d’Air France assuré par le Concorde immatriculé F-BTSC, s’élance sur la piste. Pendant l’accélération, un pneu explose après avoir roulé sur une lamelle métallique, un premier élément parfaitement impossible sur les pneus des avions aujourd’hui en circulation étant donné leur résistance.

Mais l’architecture du Concorde a une autre particularité : lorsqu’une roue explose et traverse une aile, perçant l’un des 13 réservoirs de l’appareil, l’essence commence à s’écouler… Et cette essence s’écoule alors vers les réacteurs qui se trouvent dans l’épaisseur des ailes, provoquant leur incendie. Mais regardez où se trouvent les moteurs des avions que vous prendrez : ils sont toujours en avant par rapport à l’avion. Dans ce cas, une éventuelle explosion ne peut pas endommager l’aile ou éventrer une quelconque zone vitale ! Le crash du Concorde n’est donc possible que pour un avion dont les moteurs se trouvaient dans l’épaisseur de l’aile,  et il n’y avait que le Concorde qui volait dans cette situation…

A310vsConcorde

Les moteurs des avions de ligne se trouvent « en avant » par rapport à l’aile, alors qu’ils étaient placés dans l’épaisseur de l’aile pour le Concorde.

Derniers points : les moteurs peu puissants à basse vitesse et la forme de l’aile peu manœuvrante évoquées précédemment ont empêché l’avion à la fois de faire demi-tour pour se poser en sens inverse sur la piste, mais aussi de continuer son décollage sur les deux moteurs restants… deux détails qui ne sont encore une fois valables que sur le Concorde.

Aujourd’hui, tous les facteurs qui ont concouru à la catastrophes ont été révisés :
– les roues n’explosent plus pour avoir simplement roulé sur une lamelle,
– les moteurs ne sont jamais sous des réservoirs et se trouvent en avant des ailes sur tous les Airbus et Boeing,
– la forme de l’aile de tous les avions de ligne aujourd’hui en circulation leur donne une meilleure finesse ainsi qu’une capacité à réaliser des manœuvres plus serrées, comme un atterrissage à contre-QFU (contre-sens)…

Le Concorde avait néanmoins été modifié, le nombre de places à bord réduit, ses roues changées et des épaisseurs de kevlar (le matériau utilisé dans les gilets pare-balle) mises en place dans les ailes de l’avion, ce qui lui a permis de continuer à voler. L’avion était alors fiable, mais il avait perdu son seul intérêt : être un emblème commercial et marketing fort, une marque de prestige. Le Concorde n’a rien rapporté à Air France et British Airways du début jusqu’à la fin de sa carrière, son seul objectif était de vanter les mérites des compagnies, et avec ce crash il n’avait même plus ce bienfait. Décision fut donc prise en 2003 de mettre définitivement fin à la carrière commerciale du Concorde, au grand malheur de tous les amoureux d’aviation qui voyaient ainsi disparaître l’un des appareils civils les plus extraordinaires ayant existé.

Soyez donc rassurés lorsque vous reprendrez l’avion, aucun des nombreux détails ayant abouti au crash du Concorde n’est possible sur un autre avion aujourd’hui en circulation.

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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2 réponses à Le crash du Concorde est-il possible avec un autre avion ?

  1. Patrick dit :

    Je ne suis pas tout-à-fait d’accord avec vous en ce qui concerne l’absence de risque d’endommager les ailes lors de l’explosion d’un réacteur, sur les bi-réacteurs ou quadri-réacteurs courants Airbus, Boeing et autres, sous le prétexte que les réacteurs sont en avant des ailes.

    L’explosion du réacteur n° 2 sous l’aile gauche de l’A380 de Quantas a bel et bien endommagé cette aile, celle-ci apparaissant éclatée sur le dessus.

    Par chance, la structure de l’aile a résisté, ce qui prouve qu’elle était bien conçue, et l’A 380 a pu se poser sans problème.

    Si les réacteurs étaient situés en arrière des ailes, le risque serait moindre en cas d’explosion, mais l’équilibrage de l’avion serait complètement différent, plutôt instable comme sur les avions de chasse.

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