« Oh mon Dieu, une remise de gaz ! Vite, écrivons un article alarmiste ! »

airbusIl y a vraiment des fois où je ne comprends pas les journalistes. S’emparer d’un sujet pour tenter de faire le buzz, c’est une chose assez classique, mais réussir par ce procédé à prouver toute son incompétences dans le domaine aéronautique, sans même essayer de contacter ne serait-ce qu’un pilote du dimanche pour tenter d’analyser les faits, c’est assez désespérant…  surtout quand l’information est reprise avec ses erreurs par l’intégralité de la presse nationale !  Si vous suivez l’actualité, vous savez que nous parlons ici du « quasi crash évité de peu suivi par la séquestration des passagers d’un Airbus d’Easyjet« … Les faits ? Peu importe… Enfin si,  ils importent pour nous qui essayons jour après jour de soigner les gens qui ont peur de l’avion !

Lorsqu’un avion atterrit sur un aéroport, les conditions météorologiques au sol doivent respecter certaines limites.  Par exemple, si la visibilité n’est pas suffisante ou que le vent venant de travers dépasse 70 km/h,  alors l’appareil n’aura pas le droit d’atterrir. Cette valeur a été établie pour permettre de se poser en toute sécurité,  on est donc absolument pas en danger, et les valeurs évoluent en fonction des spécificités de la piste : limite plus faible sur un terrain mouillé, plus élevée sur une piste large…  Si les pilotes entament l’atterrissage et qu’il y a une rafale de vent qui dépasse cette valeur limite, alors l’appareil fait une remise de gaz, c’est simple, classique et obligatoire. Cela signifie que le pilote remet les gaz avec la même puissance que lors du décollage tout en tirant sur son manche pour donner un angle de montée de 15 degrés. Cela peut sembler brutal pour les passagers, mais c’est une situation tout à fait banale, sans risque, et qui ne traumatise pas plus les pilotes qu’un conducteur de voiture qui devrait recommencer son créneau. Après une remise de gaz, l’avion va se représenter pour une deuxième tentative. C’est ce qu’a fait ce vol EasyJet 4027 devant relier Paris et Toulouse.

L’avion se présente pour une deuxième tentative tout aussi infructueuse, si ce n’est que l’appareil a touché la piste avant de faire sa remise de gaz, cela ne change rien a la procedure. Peut-etre qu’il était décallé par rapport au centre de la piste ou que les roues avaient touché le sol assez tard ce qui ne laissait plus assez de place pour freiner (touché au milieu de la piste au lieu du début), dans tous les cas les pilotes ont assuré la sécurité en choisissant de repartir. Pas de quasi crash comme répété par les médias, juste une procédure banale et sans danger répétée des centaines de fois par tous les pilotes du monde, amateurs comme professionnels. L’impact des roues sur le sol n’a par ailleurs pas du etre important puisque l’appareil aurait pu redécoller par la suite, alors qu’un choc a seulement 2,5 G interdit tout redécollage sans un controle par le constructeur de l’avion après avoir réalisé une inspection poussée. Dans le monde, à peine un ou deux avions subissent chaque année une contrainte de ce niveau…

Après deux ou trois tentatives infructueuses – ce nombre dépend de la politique de la compagnie aérienne – l’avion réalise un déroutement, cela signifie qu’il s’oriente vers un nouvel aéroport sur lequel les conditions climatiques seront plus favorables, le carburant emporté permettant cette procédure (voir article dedié à l’emport carburant ici). Les pilotes s’orientent donc vers Montpellier. Une fois posé, on comprend aisément que les passagers puissent avoir envie de mettre les pieds sur le sol, surtout s’il y a des claustrophobes à bord… mais les passagers ont du attendre une heure avant de pouvoir sortir.

airbus2Une deuxième polémique est liée à cette attente. Des passagers prétendent qu’EasyJet a fait pression sur l’équipage pour qu’il redécolle tout de suite vers Toulouse « malgré la tempete ». Si une compagnie faisait pression sur un pilote pour qu’il accepte de dépasser les limites de la sécurité aérienne,  alors cette compagnie serait tout simplement interdites de vol en Europe car jugée trop dangereuse ! La raison est certainement toute autre, j’en vois deux. Un aéroport qui accueille un avion de manière imprévue n’a pas forcément les équipe ou le matériel pour amener les passerelles ou les bus nécessaires à la descente des passagers. La deuxième serait l’évolution de la météo à Toulouse. S’il est prévu que le vent baisse de 10 ou 20 km/h dans l’heure qui suit, alors il peut etre intéressant d’attendre dans l’avion pour rejoindre l’aéroport initialement prévu.

Quoiqu’il en soit, il ne s’agit en aucun cas de séquestration ! Cela est évidemment désagréable pour les passagers, mais il n’y a absolument rien d’exceptionnel dans cet événement et des déroutements ont lieu tous les jours dans le monde sans que personne ne s’en émeuve ni que le moindre passager soit mis en danger. Retenons surtout que le pilote et le commandant de bord ont fait leur travail correctement et pour la sécurité de tous, et que c’est l’interprétation de la situation par des passagers (certainement effrayé) qui a provoqué ce buzz totalement infondé. Si un jour vous vivez une remise de gaz, souvenez-vous bien que c’est l’option la plus sure, plus sure que de continuer l’atterrissage puisqu’elle a été choisie par les pilotes…

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[Ajout suite à la question d’un journaliste sur Twitter] La compagnie aérienne n’est pas tenue de dédommager les passagers si les difficultés rencontrées dans l’acheminement ne sont pas de sa faute… En gros : si la gene est liée à un problème technique ou à une grève de son personnel, alors elle devra payer des pénalités aux passagers et assurer leur transport si cela est possible… Mais si la cause est météo, alors la compagnie ne devra aucune pénalité !  EasyJet a certainement tenté de trouver des bus pour ramener les passagers à destination comme elle le prétend, mais les obligations s’arretent là. Après, d’un point de vue humain, il est clair qu’offrir des bouteilles d’eau et communiquer un peu plus vers les passagers aurait pu etre sympa…

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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12 réponses à « Oh mon Dieu, une remise de gaz ! Vite, écrivons un article alarmiste ! »

  1. Grandais dit :

    La stupidité des journalistes (pour rester poli) n’a d’égal que leur incompétence.
    Surtout par les temps qui courent ils feraient bien de se taire un peu et d’arrêter de nous rabattre les oreilles avec leurs mensonges, leur calomnies et leurs rabâchage incessant.
    Entendu hier sur France Info (et relayé à plusieurs endroits dont le site de France Bleu) : « Un avion en difficulté pour atterrir à Toulouse, détourné sur Montpellier à cause du vent »… Détourné ! (sic) Le pauvre pilote devait probablement avoir un passager effrayé d’avoir « failli se crasher » qui a du lui mettre une arme sur la tempe pour l’obliger à se diriger vers Montpellier…
    Au lieu de déblatérer des inepties à longueur de journée les journalistes devraient se cultiver un minimum pour apprendre qu’un « détournement » n’est pas vraiment la même chose qu’un « déroutement ».
    Détail, pourrait-on dire… mais ces approximations, erreurs et amplifications sont plus que monnaie courante. Elles représentent l’essentiel de ce que l’on entend, lit et voit en permanence dans nos médias. Alors peut être que nous avons les médias que nous méritons (les gens veulent du sensationnel ?), mais quelle valeur leur apporter ?
    Aucune assurément.

  2. MAUREL dit :

    Malheureusement les gens sont de plus en plus exigeants, ils ne se rendent pas compte que ce qui a été fait est pour leur sécurité. Du moment qu’ils on eu les pieds sur terre, ils sont redevenus dans leur tête un client à qui tout est du. Ils auraient du remercier le Pilot e qui a pris la bonne décision de les amener à « bon aéroport ». J’ai connu des retards pour la sécurité de bagages non identifiés et beaucoup de gens ralaient. Encore de l’insconscience, ils insultaient les hôtesse qui eux étaient dans l’avion depuis le matin et que eux aussi auraient aimer rentrer chez eux.

  3. guillaume etienne dit :

    Comment se fait-il alors que les navettes Air France, qui atterrissent 5 fois plus nombreuses sur cet aéroport, n’ont pas connu la même mésaventure ce jour là sous les même conditions météo?
    J’ai été dérouté une fois sur un vol AF et tout a été pris en charge, bagages livrés chez moi gratuitement qq jours après.
    Jamais vu ca avec Easyjet…

    Et aussi, les passagers retenus dans l’avion, ca ne vous rappelle pas le terrible crash de l’avion de Spanair à Barajas en 2008?

  4. doudou dit :

    Quelques points à rajouter:
    – « Cela peut sembler brutal pour les passagers, mais c’est une situation tout à fait banale, sans risque, et qui ne traumatise pas plus les pilotes qu’un conducteur de voiture qui devrait recommencer son créneau. »Une remise des gaz n’est pas une manoeuvre « normale ». Je comprends l’envie évidente de banaliser l’aviation, mais de là à comparer ça avec un créneau….
    Une rdg après avoir posé le train, encore moins, et là ça devient une procédure à risque ( cf le T7 d’Emirates)
    -Soit le vent est au dessus des limitations, dans ce cas interdiction de continuer l’approche, soit le vent est moins fort, et donc dans ce cas le cdb à estimé qu’il n’avait pas les capacités de poser, ou alors que c’etait trop dangereux.
    -« Peut-etre qu’il était décallé par rapport au centre de la piste ou que les roues avaient touché le sol assez tard ce qui ne laissait plus assez de place pour freiner (touché au milieu de la piste au lieu du début) » Rien de bien méchant à toucher en bout de piste hein!
    – Avion dérouté ( ou détourné selon les journalistes,, quelle erreur pendons les tous!)
    -Dernière chose, le pax achète un ORY-TLS, s’il finit à MPL c’est à ezy, a ses frais, de réacheminer. Ca prend moins de 30 min avec Air France.

  5. Marie dit :

    Merci pour votre article. Mon collègue était dans l’avion et ils n’ont absolument pas frolés le crash comme le prétend l’article. Ils n’ont pas non plus étaient séquestrés mais ils ont simplement attendus de voir si la météo se calmait sur toulouse et s’il était possible de redecoller pour repartir. Faire du sensationnel alors qu’il ne s’est rien passé ce n’est pas du journalisme.

  6. Sarah dit :

    Bonjour,

    Je souhaiterais faire le stage !!! Comment cela se passe t’il? À qui m’adresser ?
    J’ai très peur en avion , meme la vision de l’appareil me donne des frissons…. pourtant je pars après demain pour un Paris/Miami ….

  7. Ping : Y a-t-il un risque à prendre l’avion pendant une tempête ? | Sécurité aérienne et peur en avion

  8. Calendau GUQUET dit :

    J’ai très peur de l’avion, je ne le prends plus, mais je suis passionné d’aviation, donc je sais que les pilotes sont toujours prêts à la remise de gaz, et qu’en soit un atterrissage est en fait une remise de gaz qui n’a pas eu lieu.

    Pour autant, connaissant ma phobie et mes réactions, je sais que si je suis dans un avion qui fait une (et pire avec 2) remises de gaz, la seule chose que j’aurai en tête quand il atterrit sera de quitter l’appareil au plus vite, et de ne jamais y remonter, quitte à faire le trajet vers l’aéroport initial par mes propres moyens.

    Je ferais probablement un scandale panique si on m’explique que l’avion va repartir vers son aéroport initial, et exigerai d’être débarqué.

    Du coup, ma question, dans ce cas, peut on demander à quitter l’avion, même s’il repart ?

    • Bonjour, je ne suis pas sûr de comprendre la question, la question est de savoir si après un déroutement dois avez le droit de quitter l’avion pour par exemple louer une voiture ? La réponse est dans ce cas oui, mais vous perdez le droit à tout dédommagement ou compensation et il est très probable que le vol retour soit également annulé.
      Le plus efficace serait de travailler sur ces idées négatives au delà des connaissances, c’est le but de la partie psycho et du simulateur de vol du stage.
      Cordialement,
      Xavier

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