Quels contrôles et inspections de sécurité pour les avions de ligne ?

Inspection RAMPLes pays occidentaux ont depuis longtemps mis en place des inspections permettant de s’assurer que les compagnies aériennes respectent bien les obligations de contrôle et de maintenance des appareils. Au début, ces inspections étaient organisées par les organismes nationaux chargés de la sécurité aérienne, comme la DGAC pour la France, puis des standards européens ont été instaurés avec l’Agence Européenne de Sécurité Aérienne, l’AESA.

En 2005, lorsque la liste noire a été instaurée, l’objectif était simple : exclure du ciel européen toute compagnie ne s’alignant pas sur nos standards de sécurité ou tout avion en provenance d’un pays dans lequel les contrôles pouvaient être insuffisants. Si une compagnie ou un pays n’offre pas les garanties suffisantes, il est tout simplement interdit d’entrée dans l’Union Européenne. La mise en place de la liste noire a été un vrai tournant, et les accidents liés à un mauvais entretien de l’avion ont très fortement diminué à partir de cette date. Cela signifie que l’on peut voler au départ et à destination de l’Union Européenne sans avoir besoin de vérifier quoi que ce soit sur la compagnie : on sait qu’elle est d’une fiabilité totale.

Chaque année, les inspecteurs participant au programme d’inspection « Ramp » de l’EASA réalisent des milliers de contrôle sur des avions venant du monde entier. En 2010, 1076 exploitants aériens issus de 130 pays ont ainsi subi ces vérifications. En 2012, 11.167 inspections ont été réalisées sur les seules compagnies extra-européennes, avec en moyenne 40 éléments vérifiés à chaque fois et des écarts par rapport à la réglementation ont été signalés pour seulement 2,4% des éléments inspectés. Ces écarts peuvent être classés en trois catégories:
– Catégorie 1 = écarts mineurs,
– Catégorie 2 = écarts significatif
– Catégories 3 = écarts majeur = limitations sur le vol, obligation de réaliser des actions correctives ou interdiction de décoller.

Inspection sécurité aérienneDans l’immense majorité des cas, les écarts sont de catégorie 1, c’est-à-dire qu’ils n’ont aucun effet sur la sécurité de l’avion, avec par exemple des documents qui n’ont pas été signés ou des normes anti-bruit non respectées. On atteint la catégorie 2 lorsque plusieurs éléments sans gravité sont répertoriés, le cumul des négligences minimes étant révélateur d’un laxisme général anormal.
Les écarts de catégorie 3 peuvent par exemple concerner l’usure des roues, un écoulement de plus de 5 gouttes d’un fluide par minute, l’impossibilité pour un membre de l’équipage de présenter ses « permis » de pilote… Ils sont de 4 niveaux :
a) limitation du vol (vol limité en altitude en cas de défaut sur le système de pressurisation, interdiction d’utiliser certains sièges qui ne posséderaient pas leur ceintures de sécurité…),
b) des action corrective doivent être réalisées (quantité de pétrole emportée, envoi des documents manquants par la compagnie…),
c) l’avion est cloué au sol en l’attente d’inspections complémentaires (si les pilotes refusent l’inspection ou si les actions correctives sont impossibles…),
d) l’avion ou la compagnie est interdite de vol (négligence volontaire, absence de formation réglementaire pour les pilotes, maintenances incorrectes…).

Tous les écarts, quelle que soit leur gravité, sont enregistrés et centralisés dans une base de donnée internationale, et la répétition des écarts est ainsi très rapidement détectée. Les avions plus anciens, issus de pays de mauvaise réputation ou d’une compagnie ayant déjà connu des écarts sont plus fréquemment ciblés par les inspecteurs. Certains pays sont d’ailleurs directement inclus dans la liste noire sans attendre d’écart, par exemple si les contrôles nationaux sont insuffisants : absence de dépistage d’alcoolémie, pas de simulateurs de vol pour l’entraînement des pilotes… Cette petit reportage explique bien le travail des inspecteurs :

Les inspcteurs de la DGAC commencent tous en tant que TSEEAC (techniciens de l’aviation civile), après quelques années ils peuvent accéder au grade de RTAC (responsables techniques de l’aviation civile). Nombre d’entre eux sont d’anciens personnels navigants (pilotes, mecanicient de bord, navigateurs…) et ils suivent tous des stages chez les contructeurs et équipementiers pour connaitre un maximum de détails sur un les avions povant être rencontrés : Airbus, Embraer, Boeing, Antonov, Snecma, Michelin, arrimage du fret chez Air France cargo, helicoptères de la securite civile, plus quelques points techniques précis comme le système de communication ACARS ou l’anti-collision T-CAS… Il faut compter 5 ou 6 ans pour qu’un contrôleur technique soit totalement formé et compétent sur l’ensemble des équipements des aéronefs pouvant être rencontrés.

Les inspections sont tellement fréquentes que tous les avions peuvent potentiellement les subir. Il est totalement inimaginable qu’une compagnie choisisse de faire des économies sur la sécurité, le moindre écart pouvant avoir comme conséquence son interdiction de vol, et donc potentiellement la faillite. Plus que jamais, les économies se font sur la masse salariale, le confort des passagers et la faible consommation des avions, jamais sur la sécurité des vols. Si ce n’était pas le cas, on aurait tout simplement davantage d’accidents. Et on n’en dénombre de 5 cette année dans le monde, même en incluant les listes noires  🙂

[Edit suite à relecture par un pilote] Précisons que ces inspections sont les ultimes contrôles réalisés sur un avion, ils viennent après la mise en oeuvre de l’appareil par l’équipe technique puis le tour avion réalisé par les pilotes…

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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4 réponses à Quels contrôles et inspections de sécurité pour les avions de ligne ?

  1. lym dit :

    Et ces histoires d’avions d’une grande compagnie nationale revenant d’entretien au Maghreb (c’est pas cher et moins loin que la Chine et ses histoires de rivets qui avaient fait la une) avec des pépins parfois graves, un ne finissant même pas le vol retour pour se poser en urgence dans le sud de la France avec 2 circuits hydrauliques sur 3 HS car les raccords avaient été mal serrés?! Pourtant, à l’arrêt au sol durant la pré-vol les 5 gouttes n’étaient pas atteintes!
    Il y a des contrôles, mais externes et paperasse c’est forcément assez sommaire. En fait les pilotes font déjà les mêmes, depuis les débuts de l’aviation, eux mêmes!

    • Xavier dit :

      Bonjour Lym,
      Si les inspecteurs arrivent à trouver des écarts dans 2% des cas, c’est bien « qu’ils ont l’oeil » et qu’ils vérifient des détails qui peuvent passer inaperçus, en complément bien sur de ce que font les équipages et l’équipe technique. A mon sens, leur travail est aussi celui du gendarme : puisque l’on sait qu’une dérive a toutes les chances d’être découverte tôt ou tard, on ne prend pas le risque de faire un écart.
      L’intérêt est justement de pouvoir particulièrement cibler des pays « suspects » ou des compagnies aux pratiques douteuses… cela n’empêche pas d’éventuelles erreurs (heureusement sans conséquence comme celle que vous citez), mais il s’agit d’une opportunité supplémentaire de les éviter.

  2. Samuel dit :

    Bonjour Xavier,
    Dernièrement, dans la presse, j’ai pu constater des pertes de roues sur des avions (un Airbus en Chine en septembre dernier et un Boeing en Espagne). D’après vous pourquoi les roues se détachent?
    Je sais qu’il existe des flèches jaunes qui indiquent le desserrage des écrous de roues sur les poids lourd. Au moins, cela permet de prévenir que les écrous se desserrent. Pourquoi les constructeurs d’avion ne trouvent pas une solution pour éviter que les écrous de roue se desserre .
    Quelle est la cause des détachements de roues d’avion?
    Merci pour vos éclaircissements.
    Sam

    • Bonjour, le cas chinois était lié à un « hard landing », c’est-à-dire des atterrissage durs dans lesquels les trains d’atterrissage sont trop sollicités. L’avion est fait pour résister dans son ensemble, mais en effet une roue a pu casser quand le choc est trop violent. Pour le Boeing, ce n’est pas la roue qui est tombée mais l’axe de support complet. Ceci dit, n’oubliez pas que les roues vont toujours par deux, l’avion a réalisé son vol normalement et s’est posé sur la roue restante du binôme.

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