Lors d’un stage contre la peur de l’avion à Paris, un pilote instructeur avait choqué tous les participants en affirmant qu’il préférait subir une panne moteur que d’avoir à gérer des passagers turbulents… Non seulement la panne moteur est gérable pour un avion de ligne puisqu’ils sont capable de décoller puis voler sur seulement un seul moteur opérationnel, mais en plus la probabilité de rencontrer une telle situation est infime.Au début des années 50, le taux de panne moteur sur les avions pouvait atteindre un cas toutes les 1000 heures de vol. Dans leur carrière, les pilotes vivaient donc plusieurs dizaines de panne, ce qui était normal et accepté par tous. On disait alors que les bons pilotes étaient les vieux pilotes, car la capacité à gérer une panne était proportionnelle à l’expérience de l’équipage. Cette situation a heureusement changé et les pannes ont pour ainsi dire disparu, mais TOUS les pilotes sont aujourd’hui entraînés à gérer les pannes lors de séances de simulateur de vol, ce qui offre à TOUS les pilotes la même capacité à affronter cette situation, quel que soit leur âge ou leur expérience.
A la fin des années 50 et l’arrivée de « la Caravelle », un avion français révolutionnaire, les avions étaient capables de décoller sur un seul moteur, ce qui leur permettaient également de se maintenir en vol dans cette situation. Dans la pratique cependant, un avion devait absolument être équipé de 3 ou 4 moteurs pour avoir le droit de s’éloigner des aéroports et traverser les océans.
En 1972, le NTSB (le bureau d’enquête américain sur les accidents) affichait un taux de 18 dysfonctionnements pour 100.000 heures de vol, un dysfonctionnement n’impliquant même pas forcément une panne. Alors que la fiabilité et la puissance des moteurs continuaient à évoluer, ce n’est qu’en 1985 qu’un avion bimoteur reçut pour la première fois l’autorisation de s’éloigner de 90 minutes d’un aéroport : le Boeing 767 de la TWA chargé de relier Saint-Louis à Francfort. Cette qualification, appelée ETOPS-90, est suffisante pour réaliser un vol ce trajet puisque l’on peut toujours rester à moins d’1h30 d’un aéroport lorsque l’on traverse l’Atlantique comme le montre la capture d’écran ci-contre (voir cet article dédié aux qualifications ETOPS).
Pour obtenir cette qualification, le Boeing 767 avait prouvé que chacun de ses moteurs rencontrait moins d’un problème tous les 2.000.000 d’heures de vol… La probabilité de subir une double panne moteur n’était donc plus que d’une tous les 4.000.000.000.000 heures de vol (quatre mille milliard d’heures de vol) ! Cette statistique remonte aux années 1990, il y a plus de 20 ans, et la fiabilité n’a cessé de croître depuis… Considérons donc la panne moteur comme impossible (il est par exemple 35.000 fois plus probable de toucher le jackpot à Euromillion).
A cet argument de la fiabilité, vous me rétorquez habituellement « ça c’est en théorie, mais que se passe-t-il si l’on avale un oiseau, de la grêle ou un drone ? » (vous avez vu, je commence à bien vous connaître). Et bien il ne se passe rien. Depuis quelques décennies, la certification des moteurs imposait de pouvoir supporter à pleine puissance un choc avec 4 oiseaux de la taille d’un canard au pire endroit du moteur, puis continuer à voler sans dysfonctionnement jusqu’à un atterrissage… Mais en 2009, un petit Airbus a eu le malheur d’ingérer toute une volée d’oies du Canada lors de son décollage de New York, provoquant un étouffement simultané des deux moteurs. L’avion a plané, il a amerri sur le fleuve Hudson et tout le monde est sorti intact de l’épisode, mais les conséquences ont été radicales pour l’aviation civile : la certification des avions a évolué pour être capables d’ingérer une volée d’oies du Canada, y compris les plus petits avions de ligne à réaction, et même dans les régions où cet oiseau n’existe pas. Statistiquement, on considère donc que le risque oiseau à disparu en 2009. Les avions subissent d’ailleurs 30.000 collisions aviaires chaque année sans que cela n’occasionne d’accident… Pour ce qui concerne la grêle, cela fait longtemps que les réacteurs sont conçus pour ingérer 750 kg de glaces en 30 secondes, et pour les drones vous pouvez lire cet article.
Un travail de recherche réalisé par une équipe de l’ESTACA a permis de prouvé que le taux de défaillance sur un avion bimoteur n’est que de 0,00000236 même en intégrant tous les cas iaginables, des cendres volcaniques aux erreurs humaines de manipulation !
Voici pour terminer une petite vidéo sur les tests réalisés sur un moteur dans le cadre de sa certification. La vidéo date de 2002, c’est-à-dire avant la mise en place des nouvelles normes en vigueur encore plus exigeantes :
Informations extraites du stage contre la peur de l’avion après une question posée sur la page Facebook du Centre : facebook.com/CentrePeurAvion/
Bon vol à tous !
Source :
– http://libraryonline.erau.edu/online-full-text/ntsb/aviation-special-studies/AAS72-10.pdf
– FAA Federal Aviation Regulations (FARS, 14 CFR) – Part 33 – Section 78 « Rain and hail ingestion »
– Projet de sureté de fonctionnement, Analyse du système de propulsion d’un avion biréacteur « Perte totale de poussée ». Estaca 2015 (merci à @LANutall)