La foudre est-elle dangereuse pour les avions ? Retour sur le crash du Sukhoi SSJ100

Les avions de ligne sont touché par la foudre en moyenne toutes les 1000 heures de vol. Il s’agit donc d’un événement très fréquent.

Le  5 mai 2019, un appareil du constructeur Sukhoi baptisé « SuperJet SSJ100 » s’est écrasé sur l’aéroport de Moscou. Nous ne reviendrons pas sur l’accident en particulier mais sur son origine supposée : le foudroiement de l’avion aurait provoqué de graves soucis électriques. La foudre serait-elle donc dangereuse pour les avions ? Elle n’est produite que par un seul type de nuage : le cumulonimbus, un nuage orageux très facilement prévisible par les météorologues et que l’on peut aisément détecter une fois en vol grâce au radar équipant l’avion.

Le code couleur indique la résistance de chaque partie de l’avion, entre 200 et 2000 Ampers

La foudre peut parcourir plusieurs kilomètre hors du cumulonimbus, et les avions sont donc régulièrement touchés même en restant à bonne distance. Les avions de ligne sont ainsi foudroyés toutes les 1000 heures de vol, soit environ 2 fois par an. Il s’agit donc d’un événement tout à fait banal qui survient au moins 50.000 fois chaque année dans le monde sans aucune conséquence dramatique. Cette capacité tient dans une propriété physique appelée la cage de Faraday, c’est-à-dire qu’un ensemble métallique ne laissera jamais passer de décharge électrique. De la même manière qu’une voiture protège ses occupants, les passagers d’un avion et ses équipements ne sont pas mis en danger par un foudroiement.

Le fuselage, chaque système mécanique ou hydraulique, tous les composants extérieurs et les capteurs ont ainsi des niveaux de résistance imposés à tous les concepteurs d’avions. Les systèmes électroniques du bord doivent eux aussi pouvoir subir les chocs électriques et résister aux impulsions électromagnétiques associées.

Certains phénomènes secondaires de la foudre ont mis plus de temps à être compris, comme l’effet aéro-thermique qui pouvait toucher les plus petits avions à réaction équipés de certains contrôleurs moteurs appelés FADEC. Un éclair a par exemple éteint l’un des deux moteurs d’un Embraer 145 en approche sur Manchester en septembre 2001, ce qui n’a pas empêché l’avion de continuer son atterrissage normalement (puisque tous les avions sont conçus pour voler malgré la perte d’un moteur). Dès que les pilotes d’avions sensible à ce risque aéro-thermique approchent une zone orageuse, ils doivent donc lancer leur APU (un système de production électrique auxiliaire) capable de rallumer les moteurs instantanément en cas d’extinction.

Le seul moment où la foudre présente encore un vrai risque est au sol, lorsque l’on est en train de faire le plein de carburant. Les équipes sont donc obligées d’attendre que les orages se soient suffisamment éloignés pour pouvoir remplir les réservoirs, ce qui peut parfois provoquer des retards importants.

L’Airbus A220, anciennement produit par le constructeur canadien Bombadier

Le risque foudre est donc totalement maîtrisé sur les avions de ligne et il n’a plus provoqué le moindre accident depuis des décennies. Si le SSJ100 a réellement rencontré une panne majeure suite à un foudroiement, cela implique que le premier appareil russe conçu dans l’époque post-soviétique ne répond pas aux exigences de sécurité et qu’il va être interdit de vol. L’avion n’avait déja pas bonne réputation, avec un taux de disponibilité faible et des difficultés d’approvisionnement en pièces détachées, et il ne vole pour ainsi dire qu’au sein des flottes des anciens pays soviétiques, principalement pour des vols internes. Aucune compagnie européenne n’exploite l’avion.

Une fois de plus, le risque ne doit pas exister, et si le moindre doute subsiste toutes les mesures seront prises. Sur le plan industriel, la capacité de la Russie à produire des avions fiables pourrait être mise à mal pour longtemps, et aucun avion russe moderne ne viendra succéder aux Iliouchine, Tupolev ou Antonov soviétiques qui arrivent pourtant en fin de vie… Plus que jamais, le duopole Airbus / Boeing semble se renforcer.

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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4 réponses à La foudre est-elle dangereuse pour les avions ? Retour sur le crash du Sukhoi SSJ100

  1. Yves Mineraud dit :

    Bonjour Xavier,

    quand on regarde ce que dit Wikipedia, le Sukhoi SSJ100 est un avion qui date de seulement 10 ans (2008). On peut donc fabriquer un avion moderne, en apparence, mais qui ne respecte pas les normes de fabrication actuelles ?

    Si on ne peut que se réjouir de voir que ces avions ne volent pas « par chez nous », comment faire pour éviter absolument de monter dans un engin comme celui-là lors d’un voyage à l’étranger ?

    J’ai cherché cette fameuse « liste noire » des compagnies aériennes à éviter, je n’ai pas trouvé de liste actualisée, et puis qu’en est-il pour les différents types d’appareils ?

    Peut-être que sur votre blog on pourrait trouver deux listes comme celles-ci, actualisées, qui auraient l’avantage de guider les voyageurs qui préparent leurs déplacements, sans responsabilité sur un crash éventuel bien sûr et sans tomber dans la diffamation non plus …

    En tout cas, ce serait bien pratique !

    Cordialement.

    Yves

    • Bonjour Yves, oui le SSJ100 est un avion moderne, mais la résistance à la foudre est une obligation universelle qui est bien plus ancienne ! A part quelques appareils militaires, tous les avions conçus depuis plus de 40 ans sont capables de résister à la foudre, et il s’agirait donc d’un retour en arrière pour cet appareil puisque les avions soviétiques ne subissent pas de tels dégats après la simple foudre…
      Il est difficile de savoir exactement le risque que l’on prend dans les avions hors des zones bien contrôlées, mais il ne faut pas oublier qu’il reste négligeable. Si vous devez faire des vols intérieurs en Afrique ou en Russie, il restera très largement plus sécurisé de réaliser des vols sur des avions sur liste noire que de choisir le trajet équivalent en voiture… Je sais que c’est difficile d’un point de vue émotionnel, mais remplacer l’avion par un transport terrestre est toujours et systématiquement plus dangereux que d’embarquer.
      Vous avez raison, je vais faire une rubrique « liste noire » dans le site, elle est mise à jour tous les 3 mois même si elle n’est pas systématiquement modifiée.

  2. Lara Dhaer dit :

    Bonjour,

    Je vais prendre un avion dans deux semaines de Siem Reap à Luang Prabang avec la compagnie Lao Airlines. Et autant vous dire que j’angoisse déjà, j’en ai du mal à m’endormir.
    Premièrement, l’avion que je prend n’est pas un airbus et cela me fait extrêmement peur
    Ensuite, je sais que le Cambodge est un pays très pauvre et j’ai peur que des contrôles et tests sur les avions soient négligés à l’aeroport de Siem Reap
    Finalement je sais qu’il y a eu un crash en 2013 avec cette compagnie aérienne lors d’un orage, je ne peut m’enlever cet événement de ma tête.

    S’il vous plaît, avez vous des moyens de répondre à mes craintes?

    Merci beaucoup, Lara

    • Bonjour, d’une manière générale, les pays qui survivent grâce au tourisme sont particulièrement précautionneux sur les lignes touristiques… Un vol interne dans la campagne sera à mon avis moins bien contrôle qu’un vol au départ de Siem Reap / Angkor. Le fait de voler sur un avion qui n’est pas un Airbus ou un Boeing n’est absolument pas un problème, les ATR, Bombardier ou Embraer sont par exemple des appareils partaitement fiables sur lesquels il n’existe aucun doute. Si un doute existait, les avions perdraient leur droit de voler, et ils sont aujourd’hui dans les flottes des plus grandes compagnies mondiales comme Air France ou Lufthansa par exemple…
      L’accident de 2013 est lié à une approche difficile en conditions météo dégradées et absence de visibilité, les pilotes et les infrastructures ont évolué pour éviter pareil scenario.

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