MH370 : revue des théories impossibles et des scenarios plausibles

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MH370 : revue des théories impossibles et des scenarios plausibles
Sécurité aéronautique
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15/8/24 22:31
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Xavier Tytelman

Analyse du crash MH370 et théories

1) Ce que l’on sait du MH370

Ecrit le 4 Mars 2020
Les radars primaires militaires et civils permettent de reconstituer cette trajectoire initiale

Le début du vol est connu, l’appareil décolle à 00h42 (heure locale) et se rend sur le point IGARI marquant la frontière aérienne entre la Malaisie et le Vietnam. A ce moment, l’avion arrête toute émission (échanges radios, messages ACARS, transpondeur) et une action manuelle dans le cockpit du Boeing 777 dévie l’avion de sa trajectoire pour le faire s’orienter vers l’ouest. L’avion n’a pas envoyé de message de déconnexion du système de communication satellite, ce qui aurait été le cas en cas de coupure manuelle depuis le cockpit. Cette trajectoire est confirmée par d’autres données, notamment le téléphone portable du copilote qui va borner sur le réseau téléphonique terrestre proche de la ville de Penang.

Extrait du rapport prouvant la coupure et le rétablissement électrique.

A 2h25 (toutes les heures sont celles de la Malaisie), l’avion reprend contact avec le satellite en envoyant un log-on request. Ce type de signal prouve que le système de connexion satellite a subi une coupure électrique (dont la durée peut être définie entre 22 et 78 minutes), puis un rétablissement électrique. Cette succession de coupure / rétablissement est confirmé par la fréquence du signal de cette première ré-émission : son décalage est lié au réchauffement du cristal de quartz servant à cadencer le signal. Le téléphone satellite du bord (qui était injoignable) a de nouveau une tonalité lorsque les équipes au sol de la compagnie cherchent à joindre le cockpit (même si personne n’y répond). Un élément de preuve supplémentaire démontrant une coupure et un rétablissement électrique.

Les 7 « pings » donnent 7 arcs de distance entre le satellite et l’avion

L’avion continue son trajet et se trouve alors trop loin des terres pour être détecté par les radars militaires de la région. Mais de la même manière que votre téléphone portable est régulièrement interrogé par l’antenne relai à laquelle il est connecté, le satellite va ensuite interroger une fois par heure l’avion pour vérifier s’il est toujours dans sa zone de couverture. L’avion répond donc une fois par heure par un simple ping confirmant qu’il est toujours dans la zone (qui va de la France jusqu’à l’Australie). Cette série de 7 signaux, ces pings comme on va les appeler, ont deux caractéristiques qui vont être riches en enseignement : une fréquence (le BFO) et un temps de réponse (le BTO). La fréquence du ping va varier en fonction de sa vitesse de rapprochement ou d’éloignement entre l’avion et le satellite (c’est l’effet Doppler), et le temps de réponse de l’avion va également s’allonger à mesure que l’appareil s’éloigne. On arrive ainsi à définir une trajectoire approximative à partir d’une série d’arcs de cercles (image ci-dessus) permettant de définir un arc de cercle final sur lequel se trouvait l’avion lorsqu’il a émis son dernier message. La zone de recherche est théoriquement relativement étroite, mais elle s’étire sur des milliers de kilomètres…

La combinaison des BFO et BTO permet en fait de décrire plusieurs trajectoires, avec un message final envoyé depuis une zone possible qui s’étend sur des milliers de

kilomètres autour du 7ème arc…

Les derniers signaux envoyés par l’avion sont riches en enseignements : il y a un ping classique à 00h11, puis un nouveau log-on request (prouvant une nouvelle succession de coupure puis de rétablissement électrique) à 00h19 et 29 secondes, avant un dernier message à 0h19 et 37 secondes. Ces deux messages espacés de seulement 8 secondes permettent de mesurer un ralentissement de l’avion et une vitesse de chute verticale. L’avion est arrivé à court de carburant, la production électrique des moteurs s’est donc coupée jusqu’à ce que l’APU prenne le relai avec le peu de carburant restant dans les tuyaux. Les deux derniers pings ont le même BTO (et sont donc émis depuis la même distance avion / satellite), mais ont un BFO très différent. Cela signifie que l’avion chute à une grande vitesse, dans une fourchette de 5.600 à 15.000 pieds / minutes au premier message, puis entre 16.500 et 25.300 pieds / minutes au deuxième 8 secondes plus tard.

Extrait du rapport du Defence Science and Technology Group australien

Cette chute correspond aux différents scenarii de chute possibles pour l’avion après coupure des moteurs dont voici une représentation. Comme vous le voyez, il est possible que l’avion se soit éloigné de 32 nautiques du 7ème arc avant de toucher l’océan, soit 60 km… Cela signifie que pour être exhaustif, il faudrait investiguer les fonds marins sur une distance de plusieurs milliers de kilomètres le long du 7ème arc, mais aussi sur une largeur de 120 km de part et d’autre ! Une tâche insurmontable quand on sait qu’une boite noire ne peut pas être détectée à plus de 3km, et que les boites noires n’émettent plus après un mois… l’investigation se fait donc avec des bateaux tractant des micro-sous-marins qui cartographient les fonds sur seulement quelques dizaines de mètres de largeur. Ce qui explique que l’avion n’ait pas pu être retrouvé !

Plus de 18 mois après la disparition de l’avion, des débris du MH370 commencent à s’échouer sur les côtes de plusieurs pays d’Afrique, de la Réunion et de l’Île Maurice. L’emplacement de ces débris (rien n’a été retrouvé sur les côtes australiennes) et l’analyse des crustacés et algues qui s’y sont développés permettent de réduire la zone de recherche sous-marine, mais pas suffisamment pour motiver les gouvernements qui ont déja dépensé des centaines de millions de dollars en vain…

Cette carte réalisée par Gilles Diharce représente les courants marins au moment de la disparition du MH370.

Plus de 20 débris (voir schéma de l’avion ci-dessous) seront retrouvés et analysés. Dans certains cas, les pièces sont identifiées comme étant des morceaux d’un Boeing 777, mais l’absence de numéros de série empêche de conclure qu’il s’agit d’un morceau du MH370 (le fait qu’aucun autre B777 ne manque dans le monde n’est pas une preuve suffisante).

D’autres ont réellement un numéro de série unique qui les rattache avec certitude au vol disparu. Les pièces analysées sont riches en enseignement et confirmant certaines conclusions tirées de l’analyse des communications satellites.

Liste des débris de l’avion retrouvés et qualification (morceau confirmé d’un B777, morceau confirmé du MH370…)

Un choc commun aux deux pièces permet de savoir que les volets étaient rentrés (image de gauche)

L’analyse du volet et du flaperon confirment par exemple que les volets n’étaient pas sortis au moment de l’impact avec l’eau, en particulier grâce à un choc subi par les deux pièces et qui permet de savoir qu’elles étaient alignées en position rentrée. Les micro-déformations (analysées au microscope) permettent également de savoir dans quel axe les pièces ont subi le choc. Les déformations des vis permet également de confirmer que l’appareil a subi des vibrations tellement intenses que certaines pièces se sont arrachées avant l’impact avec l’eau. Personne n’a donc configuré l’avion pour tenter de réaliser un amerrissage.

Les vibrations ont été si intenses que les vis ont élargi leur emplacement, jusqu’à être éjectées

2) Revue des scenarii sur le MH370

L’ensemble de ces éléments factuels, librement accessibles et analysés par des milliers de personnes permettent d’exclure certaines théories, n’en laissant que deux.


Théorie 1 : « Toutes les données sont fausses et ont été produites par les gouvernements pour cacher la réalité »

Position du satellite dans ses oscillations à l’heure de chaque ping

Jolie théorie, mais elle ne tient pas pour une simple raison : nous avons à la fois des données satellites, des données de radars civils et militaires de plusieurs pays, ainsi que les données du réseau téléphonique malaisien. Toutes les données sont à la fois compatibles et cohérentes entre elles, peut-on imaginer que des centaines (des milliers) de personnes soient ainsi complices ? Des groupes officiels d’experts indépendants (l’IG notamment) ont analysés les données satellites pour y déceler des failles, et c’est le contraire qui a eu lieu : les signaux sont tellement riches qu’ils ont nécessité des années de travail à des équipes de très haut niveau (dont l’équivalent du CNRS australien). Ce telles données ne peuvent pas avoir été produites en 4 jours tout en étant cohérentes. Les pings prennent par exemple en compte les micro-oscillations du satellite ou même son passage dans l’ombre de la terre (ce qui ralentit légèrement ses équipements et donc le temps de réaction), ainsi que le phénomène de réchauffement du cristal de quartz du B777 qui n’avait jamais été analysés jusqu’alors.

Ces données n’ont d’ailleurs même pas été partagées volontairement par la Malaisie ou Inmarsat, un tableau a simplement été présenté aux familles des victimes réunies à l’hôtel du Lido juste après l’accident, et une personne a pris une photo puis l’a partagée… Les données satellites sont donc authentiques, et le partage des « raw data » (les données brutes infalsifiablesà par Inmarsat aux enquêteurs français n’a fait que confirmer ce fait.

Image présentées par les autorités aux familles… qui ont rapidement partagé ces images, permettant des analyses techniques imprévues pour les autorités.

On peut aussi ajouter les débris analysés, ils ont réellement passé des années dans l’eau et les chocs qu’ils ont subi sont ceux d’un réel crash aérien. On aurait donc crashé un autre Boeing 777 dans des conditions compatibles avec les données techniques pour que les déformations, chocs, microfissures et les organismes qui s’y développent soient acceptées par les scientifiques qui les ont analysées ?

Théorie 2 : « L’avion a été vu aux Maldives, et un extincteur de B77 y a été retrouvé par un pêcheur »

Le DHC-8 utilisé pour le vol DQA149 de la compagnie Maldivian

A 6h15 locale (ou 9h15 heure malaisienne), des habitants d’une petite île des Maldives voient un appareil les survoler et changer de direction vers le sud. Problème : si c’était le MH370, cela ferait plus de 8h30 qu’il est alors en vol alors qu’il n’est parti qu’avec 8h de carburant. La journaliste Florence de Changy a par ailleurs été enquêter sur place, et elle a pu retrouver la trace de l’avion vu par les habitants : il s’agissait d’un DHC-8 du vol DQA149 devant se rendre sur l’île voisine de Thimarafushi. L’aéroport local ne possédant pas de tour de contrôle ni de radar, l’avion a simplement fait un écart de quelques kilomètres par rapport à la trajectoire optimale et a survolé par hasard le village et ses habitants.

Un autre élément revient souvent dans la théorie des Maldives : la découverte d’un supposé extincteur de Boeing 777 par un pêcheur. La ressemblance est forte en effet :

A gauche, la pièce récupérée aux Maldives, à droite les extincteurs d’un B777

Mais l’analyse détaillée de la pièce ne correspond en réalité pas : les attaches sont sur des rails, des plaques manquent, le dessus est trop long… L’image est suffisante pour soutenir les fantasmes d’internet, mais il ne s’agit en aucun cas d’un extincteur de B777.

Théorie 3 : « Les américains ont abattu l’avion à Diego Garcia »

Si le MH370 avait visé Diego Garcia, il se serait également rapproché du satellite Inmarsat, et la longueur d’onde des pings aurait été raccourcie.

Les USA possèdent une base militaire dans la région, et certains imaginent une volonté de la personne aux commandes de s’y poser ou d’y projeter l’avion façon attentats du 11/09… Mais cette hypothèse s’oppose tout simplement aux données satellites enregistrées. On sait avec certitude que l’avion s’est éloigné du satellite à chaque ping, or la base de Diego Garcia se trouve environ sur la même latitude. L’avion n’a donc pas pu se rapprocher de la base américaine.

De même, le MH370 n’a pas pu être abattu en mer de Chine, car les données satellites, radar et téléphoniques terrestres n’existeraient pas.

Accessoirement, cette hypothèse nécessite une fabrication de tous les éléments connus (ce qui est impossible comme détaillé en Théorie1), mais aussi la complicité de dizaines de navires militaires (et donc de milliers de personnes) chargés de repêcher débris et corps pour ne laisser aucune trace.

Ces théories, très fréquentes sur internet, seraient corroborées par la diplomatie américaine : Barack Obama s’est rendu en Malaisie et Michèle Obama en Chine juste après le crash. Sauf que ces voyages étaient prévus et annoncés bien avant la disparition de l’avion.

Théorie 4 : « Le contenu officiel des soutes est gardé secret »

Même la façon d’empaqueter les mangoutan a été expliquée…

Tous les documents sur le contenu des soutes ou la façon dont chaque élément a été empaquetté sont très bien documentés, les fax envoyés depuis la Malaisie sont même disponibles… Mais certains doutent de la possibilité d’avoir 4 566kg de mangoustan à bord (un fruit) alors que l’on est au mois de mars, arguant que le fruit ne pousse pas en cette saison. Pour démonter cette rumeur, le dernier rapport officiel va jusqu’à donner le nom et l’adresse du producteur de mangoustan qui a la chance de pouvoir récolter le fruit à partir du mois de février. Pas suffisant pour convaincre tout le monde, mais les faits sont pourtant clairement établis.

Le contenu des soutes est parfaitement connu et documenté (même les versions originales manuscrites ont été partagées), en retraçant même l’origine des différentes livraisons.

Théorie 5 : La thèse du détournement

Trajectoire du MH370 par rapport aux zones aériennes au début du vol

La thèse du détournement du MH370 ne peut techniquement pas être exclue. Si quelqu’un aux commandes souhaitait passer inaperçu, la trajectoire de l’avion est idéale :
– il y a bien le message de fin de communication radio avec la Malaisie (qui considère que l’avion n’est plus sous sa responsabilité) mais pas de prise de contact avec la zone suivante (qui peut penser que l’avion est simplement en retard),
– la trajectoire de l’avion qui passe exactement sur la frontière aérienne entre les pays et sur des routes aériennes (ce qui permet de ne pas attirer l’attention des militaires),
– la déconnexion des systèmes (pour disparaître voire pour « endormir » les passagers via une dépressurisation) puis le rétablissement électrique (par exemple pour remettre en fonction les équipements de navigation),
– l’avion est ensuite mis en ligne droite vers le sud jusqu’à être à court de carburant…

Ce scenario est donc techniquement possible mais difficilement explicable en l’absence de revendications. La vie de l’ensemble des passagers de l’avion a été analysée en détails et aucun ne présente le moindre lien avec une activité terroriste. Les pilotes sont pointés du doigt pour deux raisons :
– le timing du détournement : il n’y a que 2 minutes entre le dernier message radio et le virage, ce qui laisse difficile une agression et une prise de commande par une autre personne,
– les connaissances techniques nécessaires à la réalisation de ce détournement.
Le problème est qu’aucun ne présente a priori de profil suicidaire. Aucun organisme n’a revendiqué un quelconque attentat. L’hypothèse d’une prise de contrôle à distance n’est pour sa part pas crédible : aucun avion n’est piratable, de l’intérieur comme de l’extérieur.
L’idée d’un amerrissage final est également exclu à la fois par l’analyse des pièces (les volets étaient rentrés) et les données satellites (vitesse de chute finale).

Théorie 6 : La thèse d’un problème technique

Conséquences d’un incendie dans le cockpit d’un B777 égyptien au sol en 2011. L’avion avait été évacué très rapidement.

Cette thèse est complexe mais pas impossible. Voici le scenario :

– alors que l’avion arrive à IGARI, un incendie est détecté à bord,
– l’ELMS (electrical load management system) du B777 désactive automatiquement les boitiers électriques afin de ne pas alimenter le feu en électricité, expliquant la coupure des systèmes,
– les pilotes réalisent un virage vers l’aéroport de déroutement le plus proche : Kota Bharu. L’aéroport étant fermé, ils continuent vers Penang, l’aéroport ouvert le plus proche et qui se trouve alors face à eux,
– une dépressurisation survient, soit à cause d’un défaut sur la ventilation (il existe un précédent en 1996), soit suite à l’incendie qui perce le fuselage de l’avion. L’incendie est éteint par la dépressurisation (aucun feu n’est possible à cette altitude étant donné le froid intense et la faible quantité d’oxygène disponible),
– l’incendie étant maîtrisé, l’ELMS relance les systèmes électriques (d’où la reprise des communications avec le satellite),
– les occupants de l’avion étant décédés suite à la dépressurisation, l’avion poursuit son vol en pilotage automatique en ligne droite jusqu’à se trouver à court de carburant.

Ce scenario est techniquement crédible mais nécessite une action pour changer la trajectoire de l’avion vers le sud à la fin du détroit de Malacca.

3) Et donc ?

Et donc on ne sait pas ! En l’absence des boîtes noires ou de l’épave, il est techniquement impossible de trancher entre ces deux derniers scenarii, tous les autres étant exclus ! C’est la conclusion (difficilement acceptable) du dernier rapport des enquêteurs publié le 2 juillet 2018. A moins d’un improbable rebondissement dans l’enquête, personne ne semble vouloir relancer les recherches sous-marines. Seule la France conduit encore une investigation (possible par le fait que le flaperon se soit échoué à la Réunion, territoire français !), espérons qu’elle arrive à tirer de nouvelles conclusions permettant d’encore mieux définir la zone de chute de l’appareil. En attendant une quelconque avancée, seules les théories du complot trouvent de nouveaux arguments et de nouvelles « preuves », rendant encore plus complexe la bonne compréhension de cet accident par le grand public…

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Voici une conférence que j’ai donné avec Gilles Diharce sur le MH370 à l’école d’ingénieurs Estaca le 3 mars 2020 :

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