Airbus a-t-il trouvé la réponse ultime pour éviter les décrochages ?

L’A350-1000 au Salon du Bourget 2019 : il s’agit du premier avion équipé du système NAIADS

La sécurité aérienne progresse continuellement pour une multitude de raisons : des avions plus fiables et intelligents, un meilleur entrainement des pilotes, mais aussi les innovations technologiques. Les accidents sont devenus tellement rares qu’il est devenu presque impossible de faire des statistiques fiables, mais la première cause d’accidents depuis 1995 est liée à une perte de contrôle de l’appareil en vol (notamment sur les appareils de 2ème et 3ème génération encore en circulation). L’une des causes premières de ces accidents est le décrochage, une situation dans laquelle l’air ne s’écoule plus correctement sur le dessus de l’aile de l’avion, ce qui l’empêche d’avoir de la portance. Airbus a été le premier constructeur a proposer des avions « refusant » de sortir de leur domaine de vol, une situation souvent liée à une information erronée de la vitesse ou de l’assiette de l’avion. De nombreuses solutions ont donc été mises en œuvre pour obtenir une vitesse toujours fiable en vol, notamment depuis l’accident du Rio Paris en juin 2009.

Le BUSS, ou Back Up Speed Scale

La vitesse à laquelle l’avion se déplace dans la masse d’air est connue grâce à des capteurs qui mesurent la force du vent arrivant de face : les tubes pitot. En comparant cette force à la pression atmosphérique à l’altitude de vol, on obtient une vitesse très précise. Les avions sont équipés de 3 capteurs ou plus, si l’un des capteurs ne fonctionne plus (par exemple en cas de givre) il en reste toujours 2 qui donnent une indication identique, ce sera cette valeur qui sera utilisée. Mais que se passe-t-il si deux capteurs ne fonctionnent plus ?

Les Airbus sont désormais équipés du « back up speed scale » (ou BUSS), un système qui permet de définir une vitesse à partir de l’angle d’arrivée de l’air sur le nez et les ailes de l’avion. Si l’avion va vite, l’air arrive bien de face, s’il est lent il viendra davantage du bas. Chez Boeing, un système équivalent existe et utilise les mêmes sondes d’incidence associées à l’altitude définie par le GPS de l’appareil.

Le NAIADS – New Air and Inertia Automatic Data Switching

Le cockpit de l’A350 – remarquez le HUD face au pilote : cette surface permet d’afficher des informations en sur-impression pour les pilotes : ils n’ont plus besoin de chercher les informations dans leur cockpit !

Mais aucun système ne permettait de totalement empêcher les capteurs de dysfonctionner, le BUSS n’étant qu’une solution de secours lorsque les tubes-pitot sont inopérants. Airbus a réussi à mettre au point un capteur totalement indépendant : il est directement intégré dans les moteurs, un endroit protégé où la température toujours suffisemment élevée pour ne pas geler… Le premier appareil équipé par NAIADS est la l’A350 équipé des réacteurs Rolls-Royce Trent XWB. Le système a pour avantage de ne pas nécessiter la moindre manipulation de la part des pilotes, son utilisation se fait automatiquement si nécessaire : si les capteurs classiques fournissent des données incohérentes ou qu’un système de chauffe-pitot est en panne, les pilotes continueront à recevoir des informations fiables dans tous les cas. Cette « vitesse NAIADS » étant un tout petit peu moins fiable que celle obtenue via les pitots (moins de 10 nœuds d’écart), elle ne sert donc que de secours et ne deviendra pas la source unique d’indication de la vitesse.

Comme toujours en sécurité aérienne, lorsqu’une avancée majeure est réalisée par un constructeur, les autres avionneurs sont libres d’utiliser gratuitement le brevet, permettant d’améliorer globalement le niveau de sécurité aérienne pour tous les nouveaux avions. Et ne croyez pas que ces nouveaux systèmes ne sont réservés qu’aux appareils les plus modernes comme l’A350, les nouveaux Airbus A320 possèdent à partir de cette année le système UAMM (Unreliable Airspeed Mitigation Mean) ayant le même objectif : réduire la probabilité d’avoir des informations fausses. Dans ce cas, ce sont tous les capteurs (GPS, centrales inertielles, sondes d’incidences et de vitesse) qui sont fusionnées pour fournir une données dont le taux de non-conformité est (encore plus) négligeable (que d’habitude). Et oui, le système peut être installé sur tous les avions déja en service partout dans le monde, cela s’appelle le retrofit  🙂

Merci au pilote d’essai d’Airbus rencontré au Bourget pour l’échange et ces informations.

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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3 réponses à Airbus a-t-il trouvé la réponse ultime pour éviter les décrochages ?

  1. Nasser dit :

    Excellent article

    Il ‘ya pas une petite erreur sur la probabilité ? Lol

    les nouveaux Airbus A320 possèdent à partir de cette année le système UAMM (Unreliable Airspeed Mitigation Mean) ayant le même objectif : réduire la probabilité d’avoir des informations fiables.

  2. Gilles DEMMERLE dit :

    Bonjour,
    Es-ce que les vitesses des NAIADS sont envoyées aux instruments pilot / c-pilote on side ou x-side Remplacent t’il les vitesses/Mach des Pitots pour les gains des FD et PA
    Merci pour votre réponse

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