Certaines parties d’un avion sont-elles moins solides ?

Lors du début de sa mise en descente, le vol A5235 de Hop / Air France entre Paris et Aurillac a subi un choc avec une pièce du panneau de train d’atterrissage, ce qui a provoqué ces dégâts visibles sur l’extérieur de l’appareil. Même si les dégâts semblent impressionnants, l’avion ne perd aucune de ses performances de vol et seul le revêtement extérieur est touché.

Pour faire simple, il y a dans l’avion des endroits plus ou moins « solides » en fonction de leur importance. Les parties de l’avion se trouvant « face au vent », comme le bord d’attaque de l’aile ou le nez de l’avion, sont ainsi renforcées pour pouvoir faire face à des impacts avec de la grêle ou des oiseaux, alors que le dessus de l’aile qui ne risque pas d’être touché n’aura pas les mêmes exigences de résistance.La structure d’un avion est en réalité le cumul de trois éléments et couches :

  • L’ossature principale de l’appareil, c’est la colonne vertébrale de l’avion avec le fuselage, ses ailes, sa dérive…
  • A l’extérieur de l’avion, on ajoute sur certaines parties de l’appareil des surfaces qui sont parfois esthétiques, parfois destinées à protéger des parties sensibles, ou parfois destinées à améliorer l’écoulement de l’air sur l’appareil…
  • Le revêtement intérieur de l’avion, c’est ce que l’on voit quand on est dans l’avion, cela permet de cacher les câbles, poser les racks à bagage, habiller l’ensemble….

Le fuselage est réalisé dans un alliage de métaux et de matériaux composites de plusieurs couches. Cette boite métallique a l’avantage de nous protéger des éventuels éclairs, elle est totalement étanche pour assurer la pressurisation, et elle conserve également une certaine souplesse pour gagner en solidité et en confort. Les ailes des avions sont ainsi capables de se « plier » de plusieurs mètres, ce qui permet de mieux encaisser les turbulences. Cette souplesse permet une meilleure solidité (l’aile plie mais ne rompt pas) et réduit la transmission des turbulences vers les occupants de l’avion puisqu’elles sont encaissées par l’aile. Il en va de même pour l’ensemble du fuselage qui peut subir des torsions de quelques centimètres, cela est surtout inquiétant à l’intérieur de l’avion car on entend le revêtement intérieur de l’avion craquer… mais le fuselage, lui, est capable de résister à 150% du maximum des pires turbulences qui peuvent exister dans l’atmosphère terrestre !

Les différentes parties de l’avion ne sont pas faites dans le même matériau, ce qui correspond aux différents types de contraintes rencontrées …

On voit bien qu’un panneau du dessus de l’aile s’est décroché en plein vol, ce qui n’a aucune conséquence pour l’avion…

Les surfaces extérieures sont celles qui nous intéressent ici. Celles qui ne sont pas directement exposées aux potentiels chocs et qui n’ont pas d’importance vitale sont donc moins solides pour être plus légères. Il y a d’ailleurs environ 40.000 collisions aviaires chaque année dans le monde, cela n’a heureusement pas de conséquences gravesIl y a quelques années, les puits dans lesquels les trains d’atterrissage rentrent n’étaient par exemple pas protégés. Lorsque l’on levait les yeux pour regarder un avion en vol, on pouvait donc voir ses roues rentrées. Cette simple modification a permis de rendre l’avion plus lisse, réduisant les petits courants d’air qui s’infiltrent dans chaque recoin, ce qui a permis de réduire la consommation des appareils de presque 1% ! La deuxième utilité de ces surfaces est de protéger les parties sensibles de l’humidité et de la pluie que l’on pourrait rencontrer. Sur l’image ci-contre, on voit le dessus de l’aile sur laquelle le revêtement est tombé, rendant visible ses câbles et son mécanisme interne. Il n’y a aucune conséquence pour l’appareil, il vole parfaitement et l’avion peut finir son vol dans ces conditions. De même, notre petit ATR-42 de Hop a subi ce choc dans une zone située sous l’aile. Cela a endommagé l’extérieur de l’appareil, cette surface qui permet d’être plus lisse. Puisque la seule surface ici touchée est extérieure, l’avion n’a pas subi de dépressurisation, les qualités de vol de l’appareil n’ont pas été dégradées et la poussée des moteurs est restée normale. Les pilotes ont donc rassuré les passagers (qui n’ont rien remarqué à part un bruit au moment du choc) et ont pu poursuivre leur vol jusqu’à l’atterrissage qui s’est déroulé normalement. Les passagers et l’équipage n’ont constaté les dégâts qu’une fois au sol.

Ne vous laissez donc pas impressionner par les images, elles prouvent juste que les avions sont bien conçus. Ces petits désagréments sont tellement rares qu’il reste plus avantageux de garder ses surfaces légères et « fragiles » plutôt que de les remplacer par des surfaces plus solides, plus chères et beaucoup plus lourdes, ce qui augmenterait la consommation de carburant.

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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8 réponses à Certaines parties d’un avion sont-elles moins solides ?

  1. Caroline dit :

    Bonjour,
    Tout d’abord, merci beaucoup pour votre blog qui m’a bien rassurée sur un tas de questions, avec des explications claires et rationnelles!
    Concernant l’accident du hublot explosé du 17 avril 2018 aux USA de la compagnie Southwest Airlines, la personne décédée a t-elle vraiment été aspirée? Portait-elle sa ceinture? Un hublot peut-il éclater facilement ou celui-ci présentait-il un défaut de conception?
    Merci!

  2. Jack1345 dit :

    Bonjour.

    Quid de la solidité des gouvernes et ailerons ? Un avion pourrait-il continue à voler si la gouverne de profondeur ou de direction était endommagé ? De même, est-il possible que le circuit électrique n’envoie plus l’info aux gouvernes (panne), qu’elle est la redondance à ce niveau ?

    • Bonjour Frederic,
      Toutes les parties de l’avion potentiellement confrontée à des chocs (grêle, oiseaux…) sont renforcées pour être capable de les subir sans danger, c’est le cas de tous les bords d’attaque. Il n’est pas contre pas imaginable qu’un oiseau tombe verticalement sur la gouverne de profondeur par exemple, cette partie n’est donc pas spécifiquement renforcée en tant que tel, même si elle est bien sur très solide.
      L’éventualité de perdre les gouvernes est (très) hautement improbable en fonctionnement normal, il y a plusieurs systèmes de production électriques (moteur, batteries, RAT), trois circuits hydrauliques, puis des systèmes de secours pour fournir de la pression hydraulique même sans que les moteurs fonctionnent… bref on ne peut pas se retrouver sans gouvernes.
      A ma connaissance cela n’est arrivé qu’une fois sur un avion moderne, sur un Airbus cargo qui décollait de l’aéroport de Bagdad et qui s’est pris un missile arrivant de face. Alors que les gouvernes ne fonctionnaient plus, les pilotes ont réussi à orienter l’avion grâce à la puissance différenciée sur les moteurs (plus de puissance sur le moteur droit fait tourner à gauche, et inversement). Les pilotes ont réussi l’exploit de reposer ainsi l’avion tant bien que mal sur la piste (sachant qu’une partie de l’aéroport n’avait pas été déminé !).
      L’expérience et les centaines de millions de vols réalisés sans encombres nous prouvent sans l’ombre d’un doute que la perte des commandes n’est pas possible.

  3. steeve mongrain dit :

    Bonjour Xavier, est-ce que le vol 261 de Alaska airlines en 2000 devenu incontrolable suite au problème de maintenance sur la vis du compensateur peut être considéré néanmoins comme une perte des commandes malgré que le tort subi est vraiment dû non pas à l’appareil comme tel, mais vraiment au problème de maintenance? Et est-ce que les chefs mécaniciens ne devraient pas avoir une autorité majoré sur l’employeur lors de situations similaires? Merci!

    • Bonjour Steeve,
      Dans ce cas on est vraiment sur une impossibilité pour les pilotes de maîtriser leur appareil à cause d’une maintenance défaillante… mais on parle de l’an 2000, en terme de sécurité aérienne c’est une éternité ! Depuis cette époque on a encore divisé par 10 le taux des accidents. Chacun des membres de la chaîne de sécurité peuvent et doivent désormais mettre un stop au moindre écart, du plus petit technicien aux pilote… Si un employeur voulait imposer un décollage qui ne respecte pas les règles, alors toute la compagnie peut se retrouver sur la liste noire, et donc être interdite de vol. Liste noire qui n’existe que depuis une petite dizaine d’années 🙂

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