Y a-t-il une place plus sure dans un avion ?

cabineLes personnes souffrant de la peur de l’avion savent que la peur n’est pas rationnelle. Les statistiques sont sans appel : le risque n’est pas nul, il est infime, bien plus faible que dans n’importe laquelle de nos activités quotidiennes. Savoir qu’il n’y a qu’un crash sur 10 millions de vols ou un sur 100 millions, cela ne change rien : il y a toujours ce chiffre 1. Pourtant, quand des pseudo-chercheurs promettent d’améliorer le taux de survie en cas de crash, tout le monde y croit et cherche à appliquer ces conseils, ce qui est totalement irrationnel… Une étude vient ainsi de « prouver » que certains emplacements de l’avion étaient plus fiables. Ces résultats sont faux, mais en plus ils ont tendance à renforcer l’anxiété de ceux qui les prennent en compte. Explication.

Le premier reproche que l’on peut faire à cette étude est l’âge des données utilisées… En effet, il faut analyser les données de dizaines d’événements pour construire un raisonnement statistique, mais avec seulement une poignée d’accidents chaque année (et heureusement !), les auteurs ont du remonter jusqu’à plusieurs décennies, avec parfois des avions n’existant même plus aujourd’hui et avant la mise en place de la quasi-totalité des procédures de sécurité aérienne aujourd’hui en circulation.

La Caravelle a commencé à voler dans les années 50... mais ses accidents sont encore utilisés dans les statistiques !

La Caravelle a commencé à voler dans les années 50… mais ses accidents sont encore utilisés dans les statistiques !

L’équipement des cabines est à ce titre exemplaire. Les sièges aujourd’hui en circulation sont bien plus solides et provoquent moins de blessures en cas de choc, les matériaux utilisés produisent moins de fumées en cas de combustion, et même le carburant possède désormais un additif qui empêche sa combustion à température ambiante… En cas d’atterrissage raté par exemple, on a donc des taux de décès bien plus faibles qu’il y a quelques décennies.

Le GPWS (ici dans le simulateur de vol de Pontoise dans lequel ont lieu les stages contre la peur de l'avion) permet de connaître le relief face à nous. Les pilotes recevront des alertes s'ils s'approchent trop des zones rouges.

Le GPWS (ici dans le simulateur de vol de Pontoise dans lequel ont lieu les stages contre la peur de l’avion) permet de connaître le relief face à nous. Les pilotes recevront des alertes s’ils s’approchent trop des zones rouges.

Autre exemple révélateur : la fin des CFIT pour control flight into terrain. Jusque dans les années 1980, ce type d’accident était l’un des plus fréquent, les pilotes perdaient leurs repères de nuit et entraient en collision avec une montagne sans même s’en rendre compte. Aujourd’hui, les avions possèdent une cartographie en 3D des régions survolées, le GPS permet de connaître sa position avec précision, et le Ground Proximity Warning System (GPWS) permet de « radariser » le relief et avertir les pilotes en cas d’obstacle. Par le passé, les avions ne déterminaient d’ailleurs leur altitude qu’à partir de la pression atmosphérique indiquée par la tour de contrôle au moment de l’approche avant l’atterrissage… Il existe même un cas dans lequel un avion de ligne a simplement dérivé de sa route et s’est retrouvé au dessus de l’URSS où il a été abattu par un chasseur soviétique. A cette époque, de simples centrales à inertie guidaient les avions et les dérives pouvaient atteindre des dizaines de kilomètres par heure de vol ! Les anciens avions civils avaient d’ailleurs des navigateurs spécialement dédiés à cette fonction (et c’était l’un de mes rôles en tant que « Détecteur Navigateur Aérien » lorsque j’opérais à bord des avions de la Marine Nationale). Mais heureusement, avec le GPS, on ne s’éloigne plus de sa trajectoire   🙂
Les CFIT et ces erreurs de trajectoire ont aujourd’hui disparu, il est donc incohérent d’utiliser de telles données dans une étude. Il en va de même pour les radars météo, l’amélioration des formations des pilotes et des procédures utilisées, les systèmes de protection du domaine de vol qui « refusent » d’éventuels ordres dangereux venant des pilotes…

Prendre en compte des études aux conclusions fausses pour adapter son comportement est une ineptie. D’ailleurs, favorisez-vous les vêtements en coton à chacun de vos trajets en voiture sous prétexte que les vêtements synthétiques protègent moins bien en cas d’incendie ? Il est pourtant bien plus probable qu’un tel réflexe sauve des passagers !

En dehors d'être un moyen de transport, n'oubliez pas que l'avion est surtout un rêve... Vous n'aurez jamais ce paysage ni ce confort en voiture  :)

En dehors d’être un moyen de transport, n’oubliez pas que l’avion est surtout un rêve… Vous n’aurez jamais ce paysage ni ce confort en voiture 🙂

Pour ceux qui ont peur de l’avion, chaque bruit, chaque mouvement de l’appareil ou une absence de sourire sur le visage des hôtesses est le signe d’un crash imminent. Tous ces petits détails contribuent en fait à renforcer l’anxiété car notre cerveau recherche inconsciemment des éléments qui confirmeraient notre peur. Si vous arrivez à vous asseoir à ces places, serez-vous plus rassuré ? Non… Par contre si vous pensez que certaines places sont plus sûres que d’autres et que vous n’avez pas la possibilité de les choisir, alors cela renforcera votre peur.

Laissez les pilotes s’occuper de ces questions de sécurité, de votre côté vous devez simplement vous assurer d’arriver sain et sauf dans l’avion. N’oubliez pas que le trajet vers l’aéroport est toujours plus dangereux que le vol lui-même  🙂

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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