Un accident aérien provoque toujours beaucoup d’émotion et de bruit médiatique. Mais un crash en France, pour un Airbus et au sein d’une compagnie allemande rend la situation encore moins acceptable pour le grand public.
La première partie du vol semble tout à fait normale, qu’il s’agisse des performances de l’avion ou des échanges avec les tours de contrôle sur la trajectoire. Alors que l’avion est orienté vers le point suivant sur son plan de vol et une petite minute après son dernier échange radio, il se met en descente.
Les informations dont on dispose sont parcellaire mais permettent d’écarter plusieurs scénario. D’abord le rythme de descente de l’avion pendant 8 minutes à un rythme de 3000 pieds par minute (1000 mètre minute) ne correspond ni à un décrochage (la descente est dans ce cas plus rapide, ne durant que 2 à 3 minutes) ni à un avion qui plane (un avion qui perdrait tous ses moteurs pourrait planer plus de 30 minutes sur plusieurs centaines de kilomètres). Cette descente correspond à une pente classique, un peu rapide que la normale mais elle ne correspond pas à une urgence.
On a ensuite la certitude que l’avion était bien en un seul morceau au moment de l’impact, puisque la zone de répartition des débris est très restreinte et que des témoins visuels ont confirmé que l’avion volait normalement avant l’accident. On exclut donc l’explosion en vol.
Ne restent donc que peu d’options :
1) L’avion se met en descente tout seul
Il est envisageable que les capteurs de l’avion donnent des informations erronées, provoquant un ordre de mise en descente sur l’avion. Une telle situation s’est vue à seulement deux reprises depuis le Rio-Paris : chez Lufthansa en novembre 2014 et chez Eva Air en novembre 2012. Des procédures permettant aux pilotes de reprendre la main sur l’avion par la déconnexion des ADR (Air Data Reference) qui donnent les informations aérondynamiques aux calculateurs du bord. En toute logique, la durée de la descente aurait du laisser tout le temps aux pilotes pour réaliser cette action et reprendre la main sur l’avion.
2) Une mise en descente non perçue par les pilotes
Cette éventualité est très peu probable mais ne peut être exclue. Par ailleurs, plusieurs indicateurs et alarmes indiqueraient qu’une situation anormale est en cours. La vidéo suivante, tournée dans le simulateur de vol EFS de Charleroi (Boeing737) dans lequel le CTPA organise des stages contre la peur de l’avion, présente justement les alarmes du bord lors d’une reconstitution du début de l’accident :
3) Un problème technique sur l’avion
L’âge de l’avion a été souligné puisqu’il a 25 ans, mais cela n’est pas vieux pour un avion à partir du moment où il est maintenu en suivant les réglementations. En réalité, seul le fuselage de l’avion a réellement 25 ans, mais tous les instruments ont pu évoluer, et chaque élément lié à la sécurité est moderne. On sait par ailleurs que l’avion avait connu une maintenance de niveau « C » il y a un an et demi, ce qui représente 6000 heures de travail, et au sein d’une grande compagnie européenne il n’existe que peu de doutes sur la maintenance.
On l’a dit, une panne moteur aurait laissé l’opportunité aux pilotes de planer bien au delà de ce qui a été observé. Les équipements d’un avion sont par ailleurs redondants, et il est inimaginable qu’aucun système ne soit fonctionnel alors que l’avion a entamé une descente rectiligne. L’absence de communication avec le sol est également étonnante.
4) Une incapacité des pilotes à agir
Cette rubrique va regrouper plusieurs éventualités. On pense en premier lieu au détournement de l’avion, mais la mise en descente seulement une minute après le dernier contact radio avec le sol rend une prise de contrôle par des terroristes peu probable.
La deuxième possibilité correspond à une incapacité physique des pilotes à faire face à la situation, par exemple après à une dépressurisation ou à une intoxications consécutive à une ingestion de fumées. La dépressurisation est la situation dans laquelle l’air de l’avion s’échappe, provoquant l’évanouissement des occupants de l’appareil en moins de 20 secondes. Les pilotes ont à leur disposition un masque qui peut s’enfiler avec une seule main et peut être enfilé en à peine 5 secondes, et les passagers voient leur masque tomber.
La procédure pour les pilotes est alors de réaliser une descente rapide au pilote automatique en changeant de direction par rapport à la trajectoire initiale pour ne pas rentrer dans un avion situé en dessous. C’est cette dernière option qui semble réunir le plus d’avis favorable de la part des pilotes, mais les actions n’auraient été que partiellement réalisées, seul le début de mise en descente étant effectif. L’absence de communication pendant tout le temps de la descente accréditerait cette hypohèse, même si elle n’est bien sur pas satisfaisante pour au moins deux raisons :
1) Depuis le dernier cas de dépressurisation lente ayant mené à un accident en 2005, de nombreuses mesures ont été prises pour que la situation puisse être détectée et ses conséquences évitées.
2) Le cas d’une dépressurisation rapide est peu envisageable sur un appareil moderne puisqu’elle impliquerait l’ouverture d’un trou assez large. Dans l’histoire de l’aviation, on a bien des cas de hublots envolés ou de porte qui s’arrachent, mais cela remonte à des décennies…
Aucune solution n’est donc parfaitement satisfaisante, mais la dernière est la moins improbable… Vient maintenant le temps de l’enquête, et il faudra attendre plusieurs semaines avant que des premiers éléments fiables puissent être collectés et diffusés par le Bureau Enquête et Analyse. Seules ces informations seront dignes de foi. La peur est à ce stade normale, on est sur l’émotion et l’absence de réponse rend difficilement acceptable cette situation. Mais dans quelques jours on saura ce qu’il s’est passé et ce qui va être fait pour éviter que cela ne se reproduise.
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Mise à jour 26/03/15 :
Une fuite au sein du BEA aurait donné le contenu de la boite noire enregistrant les sons dans le cockpit. Le début du vol serait calme, l’un des pilotes serait sorti du cockpit, ce qui est normal lors d’un vol de croisière, par exemple pour aller aux toilettes. Le pilote a ensuite tenté de regagner le cockpit, mais celui resté dans le cockpit aurait bloqué la porte.
Il suffit ensuite de contacter le pilote aux commandes via l’interphone pour qu’il ouvre la porte, ou en cas de non réponse d’entre le code d’urgence sur le digicode. Le pilote aux commandes a alors 30 secondes pour refuser l’accès au cockpit (s’il s’agit d’une personne qui n’a rien à faire dans le cockpit par exemple). En cas de non réponse, la porte s’ouvre. Il serait également possible de maintenir manuellement la porte en position fermée depuis l’intérieur.
Si l’on se dirige vers l’option d’un avion volontairement crashé, trois possibilités demeurent :
– le suicide du pilote pour raisons personnelles,
– un attentat suicide avec objectifs idéologiques,
– un crash imposé par une personne qui aurait réussi à entrer dans le cockpit…
Les pilotes, dont l’identité ou la nationalité n’a pas été révélée. Le commandant de bord avait des milliers d’heures d’expérience et opérait depuis 10 ans dans le groupe Lufthansa, le copilote avait environ 600 heures sur l’avion après la fin de sa formation réalisée en Allemagne dans une école de Lufthansa.
A suivre.
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Quelques lignes enfin pour prendre un petit peut de recul sur les médias. On entend déjà parler de série de crashs et d’année noire pour 2015. Pourtant en 4 mois, nous n’avons connu que deux accidents mortels pour l’aviation commerciale, en incluant tous les avions de plus de 2,25 tonnes et pouvant transporter 14 passagers et plus, y compris les avions décollant de piste en pente au fin fond du Népal ou celles référencées sur les listes noires… Avec ce rythme, nous aurions 6 accidents dans l’année. C’est bien sur trop, mais ce serait le chiffre le plus faible de toute l’histoire de l’aéronautique ! Souhaitons donc de tout notre cœur qu’il n’y aura plus d’autre accident cette année, mais cela est bien sur peu probable. L’avion est et reste le moyen de transport le plus fiable, loin devant la voiture ou tout autre moyen de transport, mais chaque crash recueille une telle couverture médiatique que nous avons la désagréable impression que les accidents se succèdent à un rythme élevé. Il n’en est bien sur rien, et si une personne décidait de remplacer son trajet en avion par un mode de transport terrestre, alors le risque serait bien plus élevé.
Sur le plan médiatique, vous allez également pouvoir observer une constante : de nombreuses situations aéronautiques vont être révélées dans les prochains jours. Chaque petit écart avec la normale va être souligné, même et surtout s’il ne s’agit que d’un non-événement : un avion qui se pose pour une vérification, un bouchon mal serré ou un circuit qui chauffe, tout va être l’occasion d’articles. Cela renforcera bien sur l’impression que les événements aéronautiques sont fréquents, mais il n’en est rien. C’est justement la rareté des situations qui permet aux médias de tous les souligner…
Voici mon passage au Grand Journal de Canal Plus le 25/03/15 :
Bonjour,
Suite à mon stage en décembre sut Beziers, je n’ai toujours pas repris l’avion, mais voir Xavier me rassure.
Pour mon prochain vol vous voulez pas venir avec moi?
Cécile
Bonjour Cécile, oui bien sur, l’équipe de Montpellier / Béziers organise des vols accompagnés, à la fois sur petit avion pour pouvoir se reposer à tout moment, et aussi sur avion de ligne classique pour réaliser un aller/retour sur la journée…
Envoyez nous un mail si vous souhaitez que je vous mette en contact avec eux.
Xavier
Bonjour Xavier
J’ai suivi votre stage en septembre : j’ai voyagé en avion pour Toulouse et pour Bali depuis. Il est vrai que ces informations en boucle sont stressantes mais confirme que l’avion est un « outil » très fiable. L’humain, lui n’est pas gérable …
Bon courage à vous
Martine
A priori ce serait le copi qui serait resté aux commandes porte bloquée. Il avait fait un cursus de la maison mère ou l’élève payait sa licence: De l’ordre de 70k€, probablement à l’aide d’un prêt.
Aiguillé sur la filiale low-cost, on imagine un temps de remboursement notablement plus long qu’au sein de la compagnie mère. Et des difficultés? Le sentiment de s’être fait avoir?
Il va falloir se poser la question de l’impact possible de faire payer les gens pour travailler. Ryannair en est réputé le champion parmi les low-cost et ils sont probablement déjà en train d’en discuter. Tout comme leurs assureurs et sans même attendre confirmation de l’hypothèse.
Car s’il s’agit d’un suicide, comme tous ceux qui ont lieu sur le lieu de travail il y a une symbolique forte. Ici assez forte pour vouloir passer outre 150 morts absolument innocents dans le but de probablement tuer net cette filiale low-cost.