Crash A320 : et si Lubitz ne s’était pas suicidé ?

[2/4/15, 18h45] Les dernières révélations rendent cet article caduc. Nous avons néanmoins choisi de le maintenir en ligne car certain de ces points n’ont pas encore trouvé réponse.]
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La personnalité de Lubitz et les révélations quotidiennes de la presse ne laissent que peu de doute sur la cause du crash de l’Airbus A320 de German Wings. Néanmoins et malgré tous ces éléments, un autre scénario reste à mon sens plausible. Je tiens à souligner que je ne suis pas un conspirationniste et que cet article n’est qu’une question ouverte.

1) Tout le monde connaît aujourd’hui le fonctionnement de la porte du cockpit et répète que cette porte peut être verrouillée de l’intérieur si le pilote aux commandes le désire. D’après plusieurs pilotes consultés, il apparaît qu’au sein du groupe Lufthansa, la règle veut qu’un pilote qui se retrouve seul aux commandes active systématiquement cette sécurité, dans le but d’éviter que le pilote sorti du cockpit ne puisse donner le code à un éventuel preneur d’otage. Tout le monde répète que le code permettant d’ouvrir la porte est alors désactivé pour une durée de 5 minutes, mais cela ne serait que partiellement vrai. Le code peut être désactivé pour une période allant de 5 à 20 minutes, et c’est la compagnie aérienne qui définit son réglage. Chez Lufthansa, ce réglage serait de 12 minutes.

2) Dans certaines conditions, il est demandé au pilote de mettre son masque à oxygène (aussi appelé le quick donning mask). Par exemple lorsqu’un avion vole au-delà du niveau 410 (FL410, soit 41.000 pieds), l’un des pilotes doit toujours avoir son masque, même si les deux pilotes sont aux commandes. Ainsi, en cas d’éventuelle (mais improbable) dépressurisation, l’un des pilotes sera toujours opérationnel.
Théoriquement, lorsqu’un pilote se retrouve seul aux commandes, cette règle s’applique également et il doit enfiler son masque, même si dans les faits, rares sont ceux qui appliquent cette procédure.
Le port du masque pourra être confirmé par les deux boites noires : le FDR qui enregistre les actions  des pilotes et les paramètres de l’avion, et le CVR qui enregistre les bruits. Enfiler le masque fait un bruit de souffle, un peu comme le détendeur d’une bouteille de plongée sous-marine. Cela explique également pourquoi la respiration du pilote est audible malgré le bruit de fond continu qui existe dans un avion.

Venons-en maintenant au scénario (je le répète : peu probable mais possible).

Le commandant de bord annonce qu’il va sortir du cockpit, et « demande à Lubitz de vérifier que l’avion peut passer en mode descente » d’après Paris Match. Le CdB quitte alors le cockpit, et le pilote applique alors les procédures : la porte sur « lock » et le masque sur le visage. Le masque à oxygène délivre le contenu de bonbonnes contenant de l’oxygène à 100%, et un mélangeur doit ramener l’air fourni à un niveau respirable, autour de 20%. Imaginons maintenant que ce masque n’ait pas fonctionné correctement, et qu’il ait par exemple fourni un air contenant 100% d’oxygène.
Je ne suis pas médecin et aucun médecin n’a pu me confirmer les effets de l’hyperoxie en avion (ce phénomène étant d’habitude observé pour des plongées sous-marine), mais deux phénomènes se succèdent apparemment : délire puis évanouissement.
Imaginons maintenant que pendant ces quelques dizaines de secondes de délire, Lubitz ait mis l’avion en descente au lieu de simplement en vérifier les paramètres, puis qu’il se soit évanoui.
Cela pourrait expliquer la phrase du procureur « C’est une respiration qui semble calme, normale, pas haletante ou de quelqu’un qui fait un infarctus. » Pendant 8 minutes, quelqu’un qui ne sursaute pas aux coups sur la porte, sur lequel l’adrénaline n’a pas d’effet malgré le sol qui se rapproche… pendant 8 minutes… est-il inimaginable que Lubitz ait été simplement inconscient ?

Cette théorie est peu probable, mais l’acharnement dont fait preuve la presse à l’égard de Lubitz et sa famille est difficile à accepter si l’on peut imaginer un scénario dans lequel il serait innocent. J’ouvre cet article aux commentaires, merci à ceux qui pourront apporter leurs lumières sur ses manquements ou erreurs.
La deuxième boite noire vient d’être retrouvée, laissons le BEA faire son enquête, je suis sûr qu’il pourra démêler le vrai du faux. J’aurai certainement tort, mais en attendant, espérons que cet article permettra à chacun de prendre le recul nécessaire le temps de l’enquête, par simple respect pour les victimes.

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Le suicide étant aujourd’hui attesté par les recherches de Lubitz sur internet, la question du masque à oxygène est la seule restante. Pourquoi avoir enfilé ce masque ? Est-il par exemple possible de dérégler volontairement le mélange dans le but de s’évanouir et ne pas voir ce qu’il se passe ensuite…

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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4 réponses à Crash A320 : et si Lubitz ne s’était pas suicidé ?

  1. Cathy dit :

    Bonjour Xavier,
    Avant que l’on sache qu’il portait le masque à oxygène,lorsque le Procureur avait annoncé une respiration calme et pas haletante,il m’était apparu comme la supposition la plus plausible que cet homme avait vécu ce moment froidement et intensément et était comme en « paix ».
    Il est attesté que des personnes ayant programmé leur suicide semblent souvent libérées et calmes dans les heures précédentes.Le Commandant de bord en décidant d’aller aux toilettes lui offre une opportunité de mettre son plan à exécution, méthodiquement il réalise les gestes qu’il avait imaginés et surtout il ne veut aucun stress .
    La peur, le stress activant la respiration et le rythme cardiaque jusqu’à parfois même une hyperventilation, pour pallier cette éventualité il met l’oxygène.
    Alors bien sûr je ne suis pas qualifiée pour dire si votre hypothèse de « dérégler le mélange »est possible mais il ne me semble pas que cet homme ait voulu « ne pas voir »
    au contraire je pense qu’il voulait être conscient jusqu’au bout ,avec toutes ses facultés et toutes ses sensations jusqu’à la « libération « .
    La suite de l’enquête dira certainement s’il avait ce jour là absorbé des médicaments, information primordiale aussi pour tenter d’analyser son geste au plus juste.
    A suivre donc
    Cordialement

    • Xavier dit :

      Bonjour Cathy, oui tout à fait, en écrivant cet article j’étais parfaitement conscient que j’aurais probablement tort… et les suites l’ont confirmé ! Mais je voulais simplement essayer de soumettre aux journalistes une option techniquement plausible dans laquelle Lubitz n’aurait pas été coupable. Les images de lui enfant, des vidéos d’il y a 10 ans dans lesquelles il est heureux, c’est particulièrement inadapté, et ça l’aurait éé encore plus s’il avait été innocent.
      Merci pour ces précisions en tous cas,

  2. Damien dit :

    Bonjour Xavier,

    Etant pilote sur Airbus A320, je me permets de vous faire part des non-sens de votre analyse malgré tout intéressante.
    Premier point, le code d’ouverture de la porte ne peut pas être désactivé. En réalité il s’agit du verrouillage de la porte qui se désactive après un certain délai si une personne effectue le code de l’extérieur du cockpit, et que la personne à l’intérieur du cockpit n’effectue aucune action sur le bouton permettant d’activer l’ouverture, ou la fermeture de la porte.
    Deuxième point, il n’est pas prévu à ma connaissance dans aucune compagnie aérienne la pose du masque à oxygène au niveau de vol 380 si un seul pilote se retrouve aux commandes. Il est seulement recommandé d’utiliser le casque pour les radio-communications. De plus l’utilisation du masque à oxygène même sur 100% n’est pas dangereuse puisque son utilisation dans ces conditions est prévue dans le cas de fumée dans le poste de pilotage.
    Effectivement, il est peu probable d’entendre une respiration dans le poste de pilotage avec le bruit ambiant et la ventilation avionique qui est très bruyante sur un Airbus A320 de cette génération. Sauf peut être si le copilote a utilisé le casque radio en position interphone, comme cela doit se faire.
    Cordialement
    Damien
    jaipeurdelavion.com

    • Xavier dit :

      Bonjour Damien, merci pour cette contribution (et bravo pour votre blog) !
      Pour la porte et sauf erreur de ma part, le lock vérouille bien la porte pour une durée de 5 à 20 minutes (durée ensuite définie par la compagnie). Pendant cette période, le code de la porte est alors désactivé et même si on le compose il n’ouvrira pas la porte. Un ami a d’ailleurs fait le test chez AF : si l’on compose le code alors que le lock a été actionné, il n’y a même plus l’alarme de demande d’ouverture dans le cockpit.
      Pour le masque, il est clair que cela ne fait pas partie des procédures (je cherchais surtout une excuse à Lubitz pour que les médias prennent un peu de recul), bien que la QT B737 US évoque bien le port du masque comme je le dis au dela du FL410. D’ailleurs si le port du speed donning était appliqué, la maintenance n’aimerait pas 🙂
      Au plaisir d’échanger, je garde votre email au chaud au cas où !
      Xavier

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