Airbus veut faciliter la recherche des boites noires après un crash

Boite noireLorsqu’un accident aérien survient, ce sont les enregistreurs de vol qui permettent d’en identifier la cause. Ces systèmes, communément appelés « boites noires », enregistrent à la fois les communications dans le cockpit (le CVR pour Cockpit Voice Recorder) ainsi que les paramètres du vol : altitude, vitesse, utilisation des équipements (dans le FDR : Flight Data Recorder)… La vidéo suivante explique bien son fonctionnement et son objectif :

Mais lorsqu’un avion s’abime en mer (ce qui n’est arrivé que 3 fois pour les derniers 160 millions de vols réalisés dans le monde, ne l’oublions pas !), la recherche des boites noires consiste en une difficile chasse aux bruits sous-marins. Hors de l’eau, l’avion émet des ondes qui se détectent facilement, et en France ce sont des associations agréées de Sécurité Civile comme la FNRASEC qui sont chargées de cette recherche. Mais sous l’eau, les impulsions électromagnétiques ne se diffusent pas, et les boites noires n’émettent que des bruits à une fréquence très caractéristique de 37,5 kHz…

L'atlantique 2 est capable de larguer afin d'écouter les bruits sous-marins. Il peut aussi déployer des radeaux de sauvetage.

L’atlantique 2 est capable de larguer afin d’écouter les bruits sous-marins. Il peut aussi déployer des radeaux de sauvetage.

Cela veut donc dire qu’il faut faire passer un micro à une distance assez faible pour entendre ce signal, par exemple avec des bateaux équipés de moyens de détection (notamment les navires de lutte anti sous-marine), des sous-marins, ou même des avions de patrouille maritimes capables de larguer des bouées passives capables d’écouter ce qui se passe sous l’eau. C’est justement l’une des fonctions des avions dans lesquels j’ai servi au sein de la Marine Nationale, comme l’Atlantique 2, (photo ci-dessus) [modification : on m’indique que les Atlantique 2 n’ont pas de bouée adaptée pour détecter un signal à 37,5 kHz].

Ce graphique représente les distances de détection possibles d'une boite noire en fonction de la profondeur et du niveau de la mer. Données SHOM.

Ce graphique représente les distances de détection possibles d’une boite noire en fonction de la profondeur et du niveau de la mer. Données SHOM.

Mais malgré un niveau d’émission sonore très important (environ 160 dB), la portée acoustique des enregistreurs reste faible, de l’ordre de 3 à 5 km maximum comme présenté dans l’infographie du Service Hydrdrographique et Océanographique de la Marine ci-contre…

Lorsque la zone de recherche après un crash s’étend sur une zone très large, parfois plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés, on comprend qu’il puisse être compliqué de ratisser toute la zone pour y détecter les boites noires, d’autant que celles-ci n’émettent que pour une durée théorique de un mois. C’est pour cette raison qu’il a fallu attendre 2 ans avant que les enregistreurs du Rio – Paris AF447 ne soient repêchés, et c’est également pour cette raison que l’on n’a pas (encore) retrouvé la trace du MH370, l’avion de Malaysia Airlines détourné dans le sud de l’Océan Indien en mars 2014.

Airbus vient donc de faire une proposition à l’agence européenne de sécurité aérienne (EASA) pour faciliter la récupération des boites noires après un crash maritime : la mise en place d’enregistreurs de vol éjectables et capables de flotter plutôt que de rester dans la queue de l’avion comme c’est actuellement le cas… Cette technologie, déja déployée dans de certains aéronefs militaires, permet alors aux émetteurs d’envoyer des signaux hors de l’eau et ainsi être détectable par des satellites, ou en tous cas à des centaines de kilomètres alentour via des systèmes de guerre électronique (un système qui détecte les ondes émises, comme un radar).

Airbus a précisé que l’A380 et l’A350 seraient les premiers appareils sur lesquels les études de faisabilité sont réalisées puisqu’il faut « modifier la trappe située dans la dérive de l’avion« . L’AESA a confirmé que l’agence allait procéder à « la mise à jour du règlement de certification dit CS 25 (CS pour Certification Specifications, 25 pour les avions de transport commercial) pour que celui-ci prenne en compte cette possibilité« . Espérons seulement qu’il n’y en aura pas besoin et que les accidents continueront à rester exceptionnels…

À propos de Xavier Tytelman

Ancien aviateur militaire aujourd'hui consultant sur les questions aéronautiques. Responsable et formateur au Centre de Traitement de la Peur de l'Avion (www.peuravion.fr). Tel : +33667484745
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4 réponses à Airbus veut faciliter la recherche des boites noires après un crash

  1. lym dit :

    C’est bien joli, mais s’ils sont éjectés avant l’impact il manquera les derniers instants, même s’ils sont sans doute rarement utiles a la compréhension d’un crash… Et si c’est après, il est probable qu’ils seront coincés par les déformations structurelles de l’impact et que cela ne fonctionnera pas: On a vu des avions posés en catastrophe avec des survivants (voire tout le monde en vie, j’ai le souvenir d’un learjet en afrique avec un VIP, tout le monde avait pu balancer son passeport par la fenêtre du cockpit) qui sont mort de l’incendie ayant suivi car les issues de secours (avec pourtant un cadre solide) étaient bloquées.

    Je n’y crois donc pas: Les autorités refuseront des infos incomplètes (et pb de certification?) et l’éjection à l’impact sera trop aléatoire voire même néfaste: Si cela se détache mais ne flotte pas, coulé loin de gros débris c’est potentiellement des recherches encore plus difficiles.

    Des ACARS plus détaillés seraient sans doute une meilleure option mais posent sans doute des problèmes de cout… voir de BP satellite. Même en les limitant aux survols océaniques.

    Pour les éviter, vu le nombre d’avions en vol, on pourrait imaginer un système de communication standard et pair à pair, entre avions, permettant de sauvegarder les infos mutuellement, pour une durée de rétention donnée et sous forme chiffrée. En cas de pépin, chaque avion ayant été sur zone pourra voir cette mémoire récupérée par les ops de la compagnie et transmises aux autorités capables de décoder les infos, dont les localisations utiles immédiatement aux recherches et les infos techniques, même moins complètes qu’en boite noire.

  2. Chris dit :

    Bonjour, je ne comprends pas! Vous dites que Hors de l eau les enregistreurs de vol émettent des ondes qui se repèrent facilement! Alors dans le crash de l a 320 qui vient de se crasher dans les alpes pourquoi ne retrouve t on pas la deuxième boite noire?

    • Xavier dit :

      Bonjour Chris,
      Lors d’un crash hors de l’eau, ce sont les balises situées dans l’avion qui émettent le signal, ce qui permet donc de retrouver la zone du crash. Ensuite, c’est en investiguant la zone du crash que l’on retrouve les boites noires, celle-ci n’émettant pas directement d’onde.
      Dans un accident comme celui que l’on vient de vivre, n’ayons aucun doute sur le fait que l’on retrouve le FDR, il ne s’agit que d’une question de temps.

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